« ELYSEZ NOUS ! Vous serez déçus en bien »

Une verve inimitable, un humour grinçant mais toujours élégant, Jacques Mailhot dirige avec succès depuis 1995 le Théâtre des 2 Ânes, dernier lieu de l’humour politique à Paris. Ce chansonnier multidisciplinaire nous parle de son nouveau spectacle, savoureux et jubilatoire !

“Elysez-nous” en 2021, pourquoi une pièce sur les élections présidentielles ?

Pour nous chansonniers, l’élection présidentielle reste un sujet incontournable, d’autant plus important qu’avec l’instauration du quinquennat le pouvoir politique est de plus en plus vertical.

Comment êtes-vous devenu le chansonnier le plus populaire de votre génération ?

J’ai eu la chance de participer ou d’animer les émissions satiriques les plus réputées à la radio et à la télévision qui m’ont permis de toucher un vaste public et de connaître très tôt une certaine notoriété. A titre d’exemple, en 1981 sur TF1 l’émission de Catherine Anglade Sérieux s’abstenir que nous présentions avec Jean Bertho avait plus de treize millions de téléspectateurs.

Ne craignez vous pas peu à peu la disparition de ce métier ?

Depuis mes débuts en 1972 au Théâtre de Dix Heures j’entends parler de la disparition des chansonniers. Cela fera bientôt cinquante ans et les chansonniers sont toujours là ! Du moins le style chansonnier car si la nouvelle génération ne souhaite pas porter le label, elle fait exactement la même chose que le faisaient Robert Rocca, Jean Amadou ou Pierre Jean Vaillard, avec peut être moins d’érudition ou de subtilité. Mais c’est le même registre.

Une émission comme L’oreille en coin serait-elle encore possible aujourd’hui ? À qui seraient adressées les premières invitations ?

L’Oreille en Coin restera un must dans le domaine des émissions satiriques car elle était produite par deux grands hommes de radio Pierre Codou et Jean Garretto dont l’exigence « intellectuelle » était en effet essentielle. Codou était un pur produit de l’école républicaine à l’érudition infaillible. Et Garretto, le fils du caricaturiste italien Paolo Garretto. Je dois beaucoup à ces deux personnages qui m’ont appris l’intégrité et interdit la vulgarité. Et puis j’avais pour complice Maurice Horgues, le chansonnier vénéré par Jacques Brel.

Si l’on devait refaire aujourd’hui L’Oreille en Coin, l’ancien premier ministre Bernard Cazeneuve serait sans doute un très bon invité car il m’a confié récemment que l’un de ses grands regrets est de n’avoir pu participer à cette émission qu’il écoutait chaque dimanche alors qu’il était étudiant en science politique et jeune militant politique.Vous affirmiez que la maladie était un sujet avec lequel vous n’aimiez pas trop plaisanter. avez-vous cependant senti un réel besoin de “dédramatiser” cette période si bizarre que nous traversons ?

Avant d’être une maladie, le covid est un virus qui a plongé le monde dans une psychose sanitaire sans précédent. La meilleure façon de conjurer cette peur était de le tourner en dérision. C’est ce que j’ai essayé de faire dans la Revue de Presse, dès les prémices de la crise sanitaire, en exhortant la France à créer désormais elle-même ses propres virus sans avoir à dépendre des chinois. C’était diablement prémonitoire.

« l’humour implique de pratiquer l’autodérision qui est une excellente thérapie »

Quelle place occupe le théâtre dans votre carrière professionnelle ?

Une place essentielle qui m’a permis,audelà de mon métier de chansonnier, de découvrir le monde de l’entrerprise et d’apprendre à gérer une société et des équipes, surtout à écouter les autres en oubliant mon égo. C’est essentiel car
l’hypertrophie du nombril peut parfois faire des ravages dans le monde du spectacle.

Si vous ne deviez n’en choisir qu’un : humour, ironie ou satire ?

Je choisirais l’humour. Il nécessite un minimum d’élégance dans le propos et pour faire suite à la pathologie de l’égo, l’humour implique de pratiquer l’autodérision qui est une excellente thérapie.

Peut-on rire de tout ?

Oui ! On peut rire de tout mais pas n’importe comment. Tout sujet, toute personne, toute institution dont on rit mérite un minimum de respect. Y compris ceux dont on ne partage pas les opinions. Mieux vaut le fleuret moucheté à la grosse bertha…

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Par Julia Barbaran et Élodie Rabaud