9 MOLIÈRES AU PALAIS ROYAL – Alexis Michalik et Benoit Solès

Avec respectivement « Edmond » (5 molières) et « la Machine de Turing » (4 molières), les auteurs Alexis Michalik et Benoit Solès se partagent l’affiche du Théâtre du Palais Royal. Autour d’un déjeuner, ils ont évoqué avec simplicité et connivence leur idée du théâtre, la genèse de ces deux pièces à l’immense succès, et leurs actualités…

Avant toute chose, comment s’est opérée votre rencontre avec le théâtre ?

Alexis Michalik : C’est au sein du club de théâtre du Collège – Lycée Jules Ferry que j’attrape le virus ! Une fois le bac passé, j’intègre un conservatoire d’arrondissement. À 18 ans, je joue sous la direction d’Irina Brook, dans le rôle titre de Juliette et Roméo. C’est cette expérience qui scelle mon désir de faire du théâtre mon métier.

Benoit Solès : Comme pour Alexis, c’est un club de théâtre qui a été déterminant… mais un peu par hasard. Le club de mon collège monte Antigone, et à quelques jours de la représentation, l’élève qui joue Créon se défile… On me propose alors le rôle, et ma passion pour le théâtre prend racine !

« Nous avons une tension commune vers un théâtre populaire et exigeant » ,Alexis Michalik


Qu’est-ce qui vous a ensuite poussé à l’écriture ?

B : Je me suis tourné vers l’écriture assez tardivement, désireux dans un premier temps de raconter des histoires intérieures, presque de l’ordre du journal intime. C’est ensuite dans la biographie de grandes figures telles que Tennessee Williams que j’ai puisé l’inspiration pour mes pièces.

A : Adolescent, je tenais un journal intime, écrivais des romans, des scénarios et des pièces. Si j’écrivais initialement pour le plaisir, c’est l’accueil réservé à ma première pièce Le Porteur d’Histoire qui m’a sérieusement poussé vers la dramaturgie.

Comment ont éclos les pièces edmond et la machine de Turing ?

A : Le scénario d’Edmond s’est dessiné lorsque j’avais une vingtaine d’années.
Dix ans plus tard, je peinais à trouver des réalisateurs pour porter le projet. À ce moment-là, j’assiste à une adaptation au théâtre de Shakespeare In Love à Londres. Malgré la qualité du spectacle, je déplore que l’on vienne “revoir” un film et non découvrir une oeuvre. C’est cette réflexion qui me fait envisager Edmond comme une pièce de théâtre, de laquelle je pourrais plus tard tirer un film. Sébastien Azzopardi et Francis Nani me donnent leur feu vert, le projet s’amorce !

B : Une fois encore, par hasard. Au cours d’un dîner chez Agnès Jaoui, j’effectue des recherches sur la symbolique de la pomme. Un article Wikipédia évoque la pomme d’Alan Turing et fait référence à Blanche Neige et au logo d’Apple. Je découvre alors la biographie de cet extraordinaire mathématicien, et nourris immédiatement l’envie d’en faire une pièce ! Je ne me lance pas tout de suite dans le projet, puisque je m’apprêtais à l’époque à jouer Cyrano au Théâtre 14, mis en scène par Henri Lazarini. Coïncidence amusante, j’entrais au début de la pièce non pas en Cyrano mais en Edmond Rostand !

Edmond et la machine de Turing ont été jouées jusqu’à présent à paris respectivement
1050 et 525 fois, qu’est-ce qui fait à vos yeux le succès de la pièce de l’autre ?

A : L’histoire de Turing est évidemment épatante. En plus de cela, les acteurs sont à la hauteur, et la mise en scène et
la musique sont à propos. Lorsque l’ensemble des éléments sont au rendezvous, l’émotion a l’espace pour éclore.

B : S’agissant d’Edmond, les costumes, les décors et le rythme sont au service d’un
spectacle total, qui est un hommage enthousiaste et brillant au théâtre luimême. On ne peut qu’être enchanté par un telle ode à la création.

Au regard de votre travail et vos équipes, vous semblez nourrir un idéal commun de théâtre…

A : Nous faisons tous les deux du théâtre de troupe, sans tête d’affiche. Il y a une tension commune vers un théâtre populaire et exigeant… C’est ce que j’appelle un théâtre de lisière, qui emprunte à la fois au théâtre subventionné et à l’économie d’Avignon off. Une sorte de famille se crée alors autour de cette philosophie… et des transfuges existent d’une pièce à l’autre !

B : En effet, nous avons par exemple tous les deux travaillé avec Romain Trouillet pour notre musique, Amaury de Crayencour dans nos distributions, etc.

Vos pièces sont jouées au théâtre du palais royal. Quel rapport entretenezvous avec ce théâtre ?

B : Que La Machine de Turing soit jouée au Palais Royal est un symbole fort pour moi. C’est un lieu tout à fait
extraordinaire, habité par la personnalité de Francis Nani. Je me souviens de la dernière fois que j’ai vu Robert Hirsch au Palais Royal, j’avais 20 ans, je m’étais installé sur un strapontin à l’orchestre pour être au plus près de lui. Aujourd’hui lorsque je joue, je regarde invariablement qui est assis sur ce strapontin…

A : Le Palais Royal est un cadre de travail admirable. Je dois avouer que je suis assez fier d’être à l’origine de sa trappe ! Pour Edmond, j’ai en effet pensé que cela permettrait un bel effet lorsque la comédienne tombe… J’ai ainsi proposé que l’on scie le plancher, et sans plus de questions, une trappe était creusée (rire) !

Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?

B : Ma nouvelle pièce La maison du loup sera en pré-tournée dès l’an prochain et tournera entre janvier et avril 2023, avant de reprendre dans un théâtre à Paris en septembre 2023.

A : J’entame en octobre les répétitions de la comédie musicale Les Producteurs d’après Mel Brooks, qui ouvrira le 2 décembre au Théâtre de Paris. Pour ce projet, nous allons travailler avec des professionnels spécialisés dans les spectacles franchisés de Broadway, qu’ils reproduisent habituellement à l’identique à Paris. Exceptionnellement, je proposerai une nouvelle mise en scène. Il s’agit donc d’un défi exigeant, qui bouleverse les habitudes de chacun… Ce compromis entre production de grandes comédies musicales et artisanat est exaltant !

« Que la machine de turing soit jouée au palais royal est un symbole fort pour moi » , Benoit Sòles

Un portrait chinois pour terminer : si vous étiez un instant de théâtre vous seriez…

A : La première d’un spectacle, qui relève du sacré.

B : Quant à moi, la dernière (rire), pour le poids que prennent soudain les mots auxquels on s’était accoutumé.

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Por Sophie Geneste