ALEXIS MICHALIK ET MÉLODY MOUREY- Invitation au voyage aux Béliers Parisiens
« La Course des géants » (seconde et nouvelle création de Mélody Mourey) et « Le Porteur d’histoire » (d’Alexis Michalik, 2 Molières en 2014) sont à l’affiche des Béliers Parisiens. Autour d’un thé, les deux auteurs ont raconté les origines de ces deux créations, leurs méthodes de travail et leurs points communs…
Racontez-nous la genèse de ces deux pièces.
Mélody : Pour cette seconde pièce (après Les Crapauds fous, ndlr), je souhaitais travailler sur le thème des sacrifices liés à la réalisation d’un rêve, et des rencontres qui changent le cours d’une vie. Parmi les nombreuses pistes : la conquête spatiale. Face à l’enthousiasme de mon producteur David Roussel, j’ai décidé de raconter une histoire inspirée de la vie de Ken Mattingly, astronaute qui aurait dû embarquer sur la mission Apollo 13, mais n’est pas parti.
Alexis : Le Porteur d’histoire est arrivé après une série de projets de pièces classiques revisitées. C’est en marge d’un tournage dans lesVosges que l’idée m’est venue. En me baladant dans le cimetière d’un petit village, je me demandais ce que pouvaient receler ces vieilles tombes. Peutêtre des carnets, un trésor ? Le projet de ma première pièce écrite se dessinait !
Quelles différences entre cette création et celle qui l’a précédée ?
M : J’ai consacré davantage de temps à l’écriture cette fois-ci, et j’ai été plus exigeante : la version définitive du texte a été rendue la veille de la première ! Je me suis également permise davantage d’éléments : de la vidéo, une orchestration, etc.
A : Comme Mélody, j’avais choisi une création plus visuelle pour mon deuxième projet, me disant“cette fois-ci, il m’en faut plus !”.
Une fois au plateau, avez-vous modifié vos textes ?
M : Oui, le texte a beaucoup évolué au plateau. L’ordre des scènes a changé et un personnage initialement présent dans une seule scène est passé à quatre scènes. C’est en effet au plateau que j’ai réalisé qu’il incarnait le meilleur adversaire de mon héros.
A : Mes textes bougent habituellement en répétition, c’est aussi le grand privilège d’être auteur et metteur en scène.Toute la première partie contemporaine du Porteur d’histoire est d’ailleurs tirée d’improvisations. L’écriture plateau permet à des accidents heureux d’émerger, c’est une méthode très stimulante.
À la fois dans Le Porteur d’histoire et La Course des géants, comment rendre compte des nombreux changements d’époque et/ou de lieu ?
A : Le Porteur d’histoire se voulait un spectacle très épuré : la lumière, les sons, et un portant sont les uniques vecteurs de voyage. Le pouvoir d’évocation et les conventions propres au théâtre sont une vraie chance. Des mises en scènes très dépouillées peuvent aisément faire rêver.
M : Dans La Course des géants, c’est notamment la création vidéo qui accompagne les changements de lieu et de temporalité. Les décors d’Olivier Prost et les musiques de Simon Meuret, quant à eux, nous plongent remarquablement dans les années 60.
Identifiez-vous des points communs dans votre travail ?
A : Nous racontons tous les deux les histoires de manière cinématographique.
M : En effet, nous faisons tous les deux un théâtre très narratif, avec de nombreuses scènes et de nombreux décors.
Que représente cette création pour vous?
M : C’est une création qui a été marquée par les confinements.Assez ironiquement, c’est parce que nous avions du temps que nous avons gagné en exigence et sommes parvenus à ce résultat.
A : Le Porteur d’histoire est comme un vieux soldat dont je sais qu’il ne me lâchera pas ! Je suis toujours épaté qu’il se joue encore 10 ans après sa création.
Une création qui vous parle en ce moment ?
M : J’ai été marquée par la prestation d’Eva Rami dans T’es toi. C’est une comédienne
de talent.
A : La Métamorphose des cigognes de Marc Arnaud, qui nous invite à passer une heure avec un homme et son gobelet vide, dans une salle de don de gamètes.
Un portrait chinois pour terminer :si vous étiez une époque, vous seriez…
M : Je dirais les années 90. J’ai beaucoup aimé grandir dans cette décennie.
A : Probablement le 19ème siècle. Paris à cette période était follement théâtral.
Par Sophie Geneste