Bastien Ossart nous parle de Cyrano

Vous pensiez que l’on avait tout dit et tout montré du personnage de Cyrano ? Et si l’immense pièce de Rostand était jouée par trois femmes ? C’est l’idée géniale de Bastien Ossart, metteur en scène de « Cyrano », actuellement au théâtre du Funambule. Rencontre.

Racontez-nous votre parcours…

J’ai suivi des cours de théâtre entre 1995 et 1998, et j’ai ensuite été longtemps comédien. Il y a trois ans, j’ai créé, avec mon amie, la compagnie Les Pieds Nus, pour laquelle je suis exclusivement metteur en scène. Notre compagnie revêt plusieurs identités : outre les spectacles que nous montons, nous dispensons également des cours ainsi que des stages amateurs et professionnels. Nous l’avons créée avec une mission : faire venir au théâtre des gens qui n’y vont pas habituellement, ou bien qui s’y ennuient ou ressentent une sorte de pression élitiste. Nous voulons donc créer un théâtre populaire, mais pas facile pour autant. À mon sens, le théâtre est l’un des derniers lieux où se rencontrent les hommes, où l’on vient célébrer le beau.

Trois femmes jouent tour à tour l’ensemble des rôles de Cyrano… Qu’est-ce qui a motivé ce choix de mise en scène ?

Mon intuition de départ était de mettre en scène Cyrano avec, de toute façon, peu de comédiens. La distribution initiale comprenait deux hommes et deux femmes, mais l’un des comédiens nous a quittés quelques jours avant le début des répétitions. En me promenant dans une forêt voisine, j’ai réalisé qu’il nous fallait une plus-value, un apport particulier à cette pièce que tout le monde connaît. J’ai donc décidé d’engager une troisième comédienne, et d’offrir une mise en scène purement féminine !

Comment avez-vous dirigé vos comédiennes ?

Nous avons beaucoup travaillé sur le corps physique masculin. Nous sommes partis des codes du théâtre baroque, avec notamment un éclairage à la bougie, des masques et un maquillage très fort. Dans la pièce, on ne fait rien de naturaliste, qui soit quotidien. Nous travaillons aussi beaucoup en musique, avec des combats assez chorégraphiés.

Quelle est la réaction du public face à cette mise en scène originale ?

Il est étonné, évidemment. Et ça plaît beaucoup. Les deux réactions les plus fréquentes sont liées d’une part à l’émotion que ce spectacle suscite (on passe du rire aux larmes, du burlesque à l’émoi) et d’autre part à la beauté de l’image et à la cohésion entre les comédiennes. Les gens nous rapportent souvent qu’ils n’avaient jamais vu un Cyrano comme celui-là. Changer de point de vue, c’est révéler.

Qu’est-ce votre travail a révélé, selon vous ?

Cela a d’abord permis de souligner la grande part de poésie qui se cache derrière Cyrano. Il me semblait que le personnage pouvait parfaitement se prêter à un jeu féminin puisque les valeurs qu’il véhicule sont universelles. Ensuite, quand Rostand a écrit Cyrano, la pièce se situait en 1640 et Cyrano aurait eu 21 ans. Or, on a l’habitude de le représenter par des comédiens d’une cinquantaine d’années un peu bedonnants, sur le modèle du grand Coquelin. Nous avons donc remis en avant sa virtuosité et son tempérament fougueux dû à sa jeunesse. Enfin, j’ai questionné la difformité de Cyrano. Il a un grand nez, soit, mais est-il vraiment laid ?

Quels projets à venir ?

J’ai en tête une adaptation des Misérables…

Une anecdote à partager ?

Ce que je retiens de cette aventure, c’est ma rencontre avec Sandra et Julien, directeurs du Funambule. Nous partageons la même vision et foi en nos projets respectifs. Entre nous, ce fut une évidence !

 

Au Théâtre du Funambule, à partir du 9 juillet

 

Par Sophie Geneste