Benoît Solès et Matyas Simon

dans « La Machine de Turing »

Dans la formidable « Machine de Turing », Benoit Solès (aussi auteur de la pièce) et Matyas Simon incarnent en alternance Alan Turing, le mathématicien anglais qui a brisé l’Enigma allemande pendant la seconde guerre mondiale. Après 500 représentations et le Molière pour le premier et quelques 250 pour le second, ils reviennent sur leur parcours respectif et leur expérience d’une pièce au succès incontestable.

Matyas, comment le théâtre s’est-il imposé à vous ?

M.S : Comme pour Benoit, il est question d’une envie qui a pris forme relativement tôt, et s’est vite confirmée. Mon premier contact avec la scène remonte au lycée où je participais à un groupe de théâtre. J’ai ensuite décroché une licence de lettres à la sorbonne et suivi le cours Florent, avant d’intégrer un conservatoire d’arrondissement. J’ai pu m’essayer à différents registres, du contemporain au classique, en passant par la comédie musicale plus récemment.

Comment a débuté l’aventure Turing pour vous ? 

M.S : Tristan petitgirard, avec qui j’ai travaillé dans le passé, m’a proposé d’auditionner. c’est à cette occasion que j’ai rencontré Benoit.
B.S : Nous cherchions en effet un acteur capable à la fois de s’insérer dans les traces de la mise en scène et de réinventer le personnage. Matyas était parfaitement crédible s’agissant du physique, de l’âge et de la technique, mais il est surtout parvenu à se réapproprier Turing tout en respectant l’essence de la pièce. Tout l’enjeu était là : saisir un juste dosage entre la capacité à rentrer dans un spectacle déjà créé et y apporter une
personnalité propre.

Quelles nuances y-a-t-il entre le Turing que vous incarnez respectivement ?

B.S : les différences entre nos deux versions de Turing sont presque de l’ordre de la perception intime : elles se nichent dans un silence, un regard, un non-dit… dans le fond, ce qui a trait à Turing, au texte et à la mise en scène est commun et respecté. L’apport personnel quant à lui – les secrets, la sensibilité de chaque comédien – est resté propre à chacun.

Au cours de son interview publiée dans le numéro 20 de Théâtres et Spectacles de Paris, Benoit évoquait l’engagement physique associé à ce projet. en est-il de même pour vous Matyas ?

M.S : Oui, Turing est un personnage qui vous transforme et vous construit… me suis considérablement affiné. Comme Benoit, je me suis également nourri d’échanges et de rencontres avec des personnes autistes et des bègues.

Y-a–t-il une scène que vous redoutez particulièrement ?

M.S: Je dirais la conférence.
B.S : c’est épatant… c’est la scène la plus difficile pour moi aussi ! L’enchevêtrement du récit scientifique un peu tortueux, des digressions et des interruptions de Ross m’ont valu des incidents de texte à deux reprises. le sol s’ouvrait sous mes pieds.

A l’inverse y-a-t-il une scène dans laquelle vous vous sentez plus à l’aise, qui soit proche de vous ?

M.S. : la scène de Morcom me touche particulièrement. si elle reste éloignée de moi à bien des égards, je peux y convoquer des éléments très personnels.
B.S : comme auteur de la pièce, j’ai pu inclure un peu d’intime dans les parties moins historiques ou factuelles, notamment dans les adresses au public. par exemple « Vous est-il déjà arrivé de détenir un secret ? De toutes les choses immatérielles le silence est le plus lourd à porter ». Ces passages nourrissent aussi la dimension engagée de la pièce, en traitant de l’exclusion et de la persécution des individus jugés différents.

La pièce suscite toujours un formidable engouement…

B.S : Oui ! il nous arrive encore que des spectateurs veuillent nous prendre dans leurs bras à la sortie du théâtre. Le COVID nous prive malheureusement de ces moments-là, mais la portée militante de la pièce trouve finalement écho dans la seule venue des spectateurs au théâtre : c’est un acte courageux.
M.S : En effet, la pièce suscite des réactions puissantes et parfois bouleversantes. cette notion procure un tout autre relief à ce rôle : en montant sur scène, je dois entretenir un volcan ! Je suis plus qu’ému à l’idée de retrouver la scène après 6 mois de pause.

Quels projets pour la suite ?

M.S : L’aventure Turing se poursuit pour moi au moins jusqu’au mois de
décembre ! En parallèle, je continue à nourrir ma marotte : l’apiculture.
B.S : Je me suis lancé dans un projet d’écriture pendant le confinement. la pièce s’appelle La Maison du Loup et raconte les circonstances de l’écriture du dernier roman de Jack London qui réformera in fine le système pénitentiaire américain. Il y est question du pouvoir de l’esprit sur le corps, d’un prisonnier qui a fait éclater les murs de sa geôle en s’autohypnotisant. la pièce verra le jour en 2022 et réunira Anne Plantey, Gregory Baquet et votre serviteur !

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Par Sophie Geneste