GILLES DYREK GAGNANT – GAGNANT
Après deux nominations aux Molières de la Comédie pour « Le Retour de Richard 3 par le train de 9h24 » en 2023, et « Je m’appelle Georges… et vous ? » en 2025, Gilles Dyrek revient en tant qu’auteur, metteur en scène et comédien avec une nouvelle création : « Gagnant-Gagnant ».
Une comédie parodique de convention d’entreprise qui sera à l’affiche du Festival Off d’Avignon avant de rejoindre La COMÉDIE BASTILLE à partir de septembre.
Comment vous est venue l’envie d’écrire sur ce thème ?
L’idée s’est imposée tout naturellement. J’ai beaucoup travaillé dans ce qu’on appelle le théâtre d’entreprise. Il s’agissait d’écrire et jouer des saynètes pour des congrès, des conventions d’entreprise, des séminaires, etc. C’est le producteur Jean-Marc Dumontet qui m’a mis le pied à cet étrier avec sa société de théâtre d’entreprise Scènes d’Entreprise, mais aussi mon ami le comédien Jean-Gilles Barbier avec sa société Symbiosis.
Nous avions depuis longtemps le désir d’offrir aux clients de sa société un spectacle sur le thème de l’entreprise, dans l’esprit de La Touche Etoile, un de mes précédents spectacles. Je pense avoir participé de près ou de loin à une centaine de ces évènements pendant presque dix belles années. Le spectacle raconte la convention de la société Symbiosis, qui est celle qui coproduit le spectacle : elle finance donc, avec une belle dose d’autodérision, son propre massacre en public !
Merci à eux pour leur courage et leur humour ! Et JeanGilles y joue en quelque sorte son propre personnage : le directeur de la société.
Pouvez-vous nous raconter quelques-uns de ces moments dont vous vous êtes inspiré pour le spectacle ?
Il y a eu, par exemple, ces trois dirigeants d’une grande banque nationale qui débattaient de « booster les perfs via un plan d’actions ad hoc » quand, sous le poids des trois sommités, les pieds du canapé se sont mollement fléchis. I
ls se sont alors retrouvés assis sur la banquette, à même le sol, et j’ai senti dans leurs regards qu’ils envisageaient de continuer leur table ronde, l’air de rien !
J’ai aussi vu un directeur interrompu en plein discours par la sonnerie de son propre téléphone, répondre à une conversation privée, et reprendre, le tout sans la moindre fantaisie… (c’est peut-être ce manque de fantaisie qui m’a fait le plus rire !) Ou encore un régisseur qui a traversé le plateau en pleine convention avec une échelle et un flegme admirable ! J’ai commencé par dresser une liste de personnages, de mini-situations, de répliques entendues…
À l’arrivée, la co
nstruction de l’histoire m’a amené à opérer des choix qui m’ont progressivement éloigné de ce qui m’avait inspiré. J’aime bien l’idée que le théâtre raconte la vie, mais sans la montrer exactement telle qu’elle est. Et je me méfie de ce qui fait rire dans la vraie vie car ça ne passe pas toujours avec la même efficacité comique une fois sur le plateau.
Comment avez-vous trouvé l’équilibre entre les gags et la construction d’une véritable histoire ?
Dans sa première version, le spectacle était une succession de discours qui me faisaient tous beaucoup rire, mais ça ne suffisait pas, il me manquait quelque chose. C’est mon ami Philippe Manesse, du Café de la Gare, qui m’a facilement convaincu de ne pas m’en contenter et de raconter une histoire. Je pense que l’équilibre s’est inventé avec à la fois beaucoup de travail, de nombreuses versions, de nombreux tests en public… J’ai eu la chance d’avoir du temps pour laisser le texte et le spectacle gagner en maturité. J’y travaillais déjà quand j’écrivais Le Retour de Richard 3 par le train de 9h24. Ensuite, le fait de monter Je m’appelle Georges a décalé la programmation de GagnantGagnant et a justement permis de continuer à le travailler.
Vous signez l’écriture, la mise en scène, vous jouez également dans la pièce. Cela vous expose-t-il à des challenges particuliers ?
J’ai travaillé comme je l’ai toujours fait en théâtre d’entreprise, et même déjà dans mes premiers spectacles L’éléphant s’enferme dans la salle de bains pour jouer avec les robinets aux Blancs-Manteaux, puis Le Projet – titre provisoire au Café de la Gare. Je suis entouré de comédiens fidèles, qui ont à la fois énormément de talent et aussi beaucoup d’idées et savent aussi me faire des retours quant à mon personnage qui est très présent sur scène. Je ne peux pas dire que la mise en scène soit collective mais pas loin : chacun se sent libre de proposer ses idées et on essaye tout.
Vous vous moquez ici des conventions, des discours creux, des ratés techniques, mais aussi des postures de pouvoir. Quel regard portez-vous sur le monde de l’entreprise aujourd’hui ?
Je pense qu’il faut beaucoup de courage, de souplesse et de bienveillance pour côtoyer tous les jours les mêmes personnes et réussir à faire en sorte que ça se passe bien, le tout sur des années… Je ne me permettrais pas de donner de leçons, d’autant que, nous-mêmes, dans le théâtre, on est pas mal non plus ! Même si les aventures sont de plus courtes durées, nous avons cette chance. On se voit surtout pendant les répétitions, puis généralement on se retrouve juste avant de jouer. Et pour peu que la pièce soit un succès, l’ambiance est bonne.
Après la nomination aux Molières de la Comédie de vos deux derniers spectacles, ressentez-vous une pression particulière avec cette nouvelle création ?
S’il y a une pression, c’est plutôt celle que je me suis toujours mise tout seul à moi-même : ne développer que des situations qui me font rire et qui me semblent avoir une part d’originalité, créer des personnages qui m’intéressent au point de passer généralement des années en leur compagnie car l’écriture d’une pièce est toujours un travail de très longue haleine pour moi. La pression qui existe ensuite est de tout faire pour que nos producteurs ne regrettent pas leurs investissements ! La première des récompenses (si elle arrive…) est l’adhésion du public. Quant à d’éventuelles nominations aux Molières, c’est à mon sens un bonus. D’ailleurs, j’aime bien l’idée qu’il s’agisse d’une sorte de distinction et non d’un concours, et qu’on l’appelle Molière de la Comédie, plutôt que Molière de la meilleure Comédie.
Qu’aimeriez-vous que le public se dise en sortant de ce spectacle ?
« C’est exactement ça, mais en plus drôle ! »
LA CONDITION DES SOIES,
Avignon Du 5 au 26 juillet 2025
COMÉDIE BASTILLE,
Paris À partir du 4 septembre 2025