La sextape de Darwin

Brigitte Mounier © DR

 

Interview de Brigitte Mounier

Aviez-vous déjà imaginé une pièce de théâtre qui parle de sexualité avec poésie ? Avec « La sextape de Darwin » c’est maintenant chose faite ! Dans ce spectacle pour le moins étonnant, la compagnie des Mers du Nord met en scène une chanteuse, deux danseurs et une comédienne pour incarner les comportements amoureux des espèces vivantes. Une bien belle façon de briser certains tabous qui pèsent sur notre société et de faire voyager les spectateurs.

Si vous deviez décrire ce spectacle en quelques mots, lesquels seraient-ils ?

2 danseurs, 1 chanteuse et 1 comédienne promènent leur curiosité sur la fabuleuse et inouïë variété des comportements sexuels et des modes de copulation dans le règne animal, nous invitant à dépasser la théorie mainstream, à bousculer l’hétérosexualité.

Pourquoi cette envie de traiter le sujet de la sexualité et de la reproduction ?

Les raisons qui ont motivé ce spectacle ne datent pas d’aujourd’hui, même si elles résonnent fortement dans l’actualité politique de ce début de siècle. La sextape de Darwin est une réponse (impuissante certes, mais le théâtre est le seul moyen dont je dispose) à la résurgence des courants homophobes qui s’expriment violemment dans de nombreux pays du monde, mais aussi dans notre Europe libeŕale. Au point que certains gouvernements, à à peine 2 heures d’avion de chez nous, ont demandé récemment à des familles de tuer leurs enfants homosexuels pour ne pas déshonorer la nation. D’autre part, dans bon nombre de pays, le corps, et particulièrement le corps féminin, est encore un sujet de préoccupation, d’interdits, de tabous. Comme si avoir un corps était un délit. Comme si avoir des seins et un vagin était une honte… Comment se fait-il, alors que nous sommes bientôt 8 milliards d’individus sur la planète, que voir un corps nu, utiliser les mots vagin, pénis ou copulation créent un malaise ? 1 milliard d’années n’a pas suffit à l’humanité pour accepter que notre espèce soit le fruit de gamètes mâles et femelles.
Ce spectacle a seulement la modeste ambition de replacer les espèces à leur juste place, parmi les eucaryotes, et de rappeler à travers quelques joyeux exemples dansés et chantés, l’inouïë diversité des pratiques sexuelles, des modes de séductions et des méthodes de reproductions dans la Nature.

Comment avez-vous pensé la mise en scène du spectacle ?

Mon objectif était de replacer ce qui est encore considérés comme tabou, le corps et la sexualité, dans une imagerie primitive (primaire ?) pour lui rendre son évidence, sa légèreté, son fantastique et rendre le spectacle accessible à tous. Toutes les images, les animaux (les danseurs) et la scénographie sont traités comme des peintures naïves d’un livre d’enfant. Avec de belles couleurs, de beaux costumes, des lumières de cartes postales et un décor épuré : une prairie, un arbre, une mare, bref un environnement paisible et rassurant.

Combien de temps a duré sa préparation ? Comment avez-vous choisi les acteurs ?

Deux ans. Un an et demi de travail a été nécessaire pour trouver la bonne documentation scientifique, la comprendre (surtout pour moi qui n’ai pas fait de cursus scientifique) et la digérer. Ensuite, l’écriture m’a pris 6 mois entrecoupés de rendez-vous avec les acteurs pour vérifier sur le plateau la faisabilité de ce que je projetais. Certains acteurs sont des fidèles avec qui je travaille régulièrement. J’ai ensuite cherché une chanteuse lyrique capable de vocaliser de façon classique et reproduire tous les chants et sons de la nature !

La danse a une part importante dans le spectacle. Selon vous, qu’est-ce que la danse apporte au théâtre ?

Ici, la danse est un moyen, un outil, pour exprimer notre sujet puisque les parades nuptiales sont d’abord un dialogue gestuel et une danse ritualisée. D’une façon générale, le corps et son mouvement sont pour moi l’âme du théâtre, autant que le texte et le contenu d’un spectacle. Dans mes spectacles le corps et la technicité corporelle de l’acteur sont toujours sollicités.

Considérez-vous cette pièce, qui traite d’un sujet parfois tabou, comme militante ?

Non, dans notre pays (France), je me refuse à considérer cette pièce comme étant tabou ou militante. Elle rappelle simplement ce qu’est la nature, ce qu’est l’humain vis-à-vis de la nature et je préfèrerais penser cette pièce comme étant seulement primaire, basique, pédagogique. J’aimerais bien, même, qu’elle soit (ou devienne) inutile !

Quels sont les premiers retours que vous avez eus de la part du public ?

C’est difficile pour moi d’en parler, ma modestie m’en empêche… Blague à part, vraiment, j’ai été stupéfaite de cet accueil dithyrambique et unanime. Et surtout des vagues de rires incessantes !

Au théâtre la Bruyère à partir du 15 janvier

Retrouvez toute l’actualité du théâtre la Bruyère sur : http://www.theatrelabruyere.com/

Par Lola Boudreaux