Les Nanas au pouvoir D’APRÈS LA VIE DE NIKI DE SAINT PHALLE
L’artiste Niki de Saint Phalle a laissé une trace presque inédite pour une femme artiste dans l’Histoire de l’Art. La créatrice et comédienne Juliette Andréa Thierrée, qui a eu un coup de cœur pour l’artiste il y a dix ans, l’incarne sur scène pour la troisième fois !
Vous parlez d’un vrai choc en découvrant Niki de Saint Phalle. Qu’est-ce qui vous a autant marquée dans son œuvre et sa vie ?
Le choc en 2014 quand je suis au Grand Palais, c’est tout d’abord une œuvre monumentale que je découvre au gré de ma déambulation de salles en salles. Une œuvre qui change et se transforme sans cesse selon chaque période de sa vie. La commissaire, Camille Morineau, avait imaginé une scénographie qui retraçait son œuvre dans le temps.
J’avais l’impression de rentrer littéralement dans la tête de cette artiste et de ressentir très profondément ce qui l’anime et la révolte : l’injustice, la représentation des femmes, les différents rôles qui lui sont attribués, épouses (Les mariées), prostituées, femmes qui accouchent, femme objet (Marylin), femmes libérées (Les Nanas). On commence la visite par une œuvre très noire, torturée, violente et à la fin on est littéralement éblouie par des œuvres colorées et gigantesques.
Quelles sources avez-vous utilisé pour nourrir ce spectacle ?
Je découvre dans la foulée qu’elle a écrit trois livres que j’achète aussitôt. Son existence très chaotique, les drames de sa vie n’ont pas fait d’elle une victime. Sa manière d’affronter, de transcender le désastre par l’art est une source d’inspiration inépuisable pour moi.
J’en suis à mon troisième spectacle sur elle ! Elle ne cesse de revenir dans ma vie d’une façon ou d’une autre puisque je viens de donner une performance au LAAC de Dunkerque autour d’une de ses statues: la Tempérance. À force j’ai comme l’impression que c’est devenue une amie ou une sœur d’autant que nous avons une ressemblance
physique troublante.
Comment avez-vous intégré son engagement féministe dans la pièce, aux côtés de son parcours artistique ?
On ne peut pas réduire Niki de Saint Phalle a une simple féministe même si elle l’est de fait puisqu’elle est une artiste à partir de 1960 dans le monde de l’art très majoritairement composé d’hommes. Avant tout c’est une artiste qui poursuit plusieurs combats, la cause des noirs, l’objetisation de la femme (Marylin Monroe), le Sida… pour n’en citer que quelques uns…
On suit le parcours d’une femme conditionnée par une éducation catholique rigide qui va se liberer en créant et grâce à sa rencontre avec Jean Tinguely. Je montre comment se tricote vécu et travail. Dans ma pièce on la voit littéralement dans l’action de créer en miroir avec les événements de sa vie : les tirs pour se libérer de l’emprise etc. Je m’empare de la possibilité qu’offre le théâtre pour transformer le corps des comédiennes en œuvre…
« SA MANIÈRE D’AFFRONTER,DE TRANSCENDER LE DÉSASTRE
PAR L’ART EST UNE SOURCE D’INSPIRATION INÉPUISABLE POUR MOI »
La mise en scène reflète-t-elle l’univers coloré et exubérant de Niki ?
Oui, car j’utilise l’art plastique sur scène et…les comédiennes créent en live sur scène. Tout l’enjeu de ma mise en scène est de montrer l’artiste à l’œuvre en train de créer.
Comment avez-vous abordé les thèmes de la résilience et de la transformation dans son histoire ?
Niki est jouée par une jeune actrice et danseuse, Lois Husson, tandis que je la joue âgée. Dans ma pièce, une journaliste, interprétée par Coriane Alcade, interview Niki lors de la sortie du film qu’elle réalisa en 1970, Daddy (papa), sur sa vie, une construction qui va permettre au spectateur d’entrer dans des séquences de sa vie comme au cinéma. Niki de Saint Phalle nous montre un chemin de réparations par l’art dont le point de départ est le traumatisme initial.
THÉÂTRE DE L’OPPRIMÉ Du 12 juillet au 3 août