SACHA DANINO et SÉBASTIEN AZZOPARDI – Les auteurs qui vous laissent choisir l’histoire

« L’embarras du choix », la nouvelle (et tout à fait unique) pièce de Sacha Danino et Sebastien Azzopardi est actuellement au théâtre Michel. Après avoir démoli le quatrième mur avec leur première pièce « Le Tour du monde en 80 jours », s’être illustrés dans la pièce interactive avec « Dernier coup de ciseaux », ils passent aujourd’hui à la narration interactive. Cette création exigeante marque un tournant dans l’aventure dramaturgique de ce duo. Ils nous racontent !

Comment vous est venue l’idée d’une pièce dont le public décide du déroulement ?

Sacha Danino : Nous désirions depuis longtemps écrire une pièce arborescente, où le public est le héros de l’histoire. A la différence des pièces interactives classiques, les réactions et les choix des spectateurs ont un impact sur le déroulement de la pièce, c’est ce qu’on appelle la narration interactive.

Sebastien Azzopardi : Le concept nous tentait en effet depuis longtemps. Il est finalement revenu en force il y a quelque temps, peut-être parce que nous avions trouvé notre axe : faire correspondre ce concept au thème des choix de vie, et interroger le public sur ses propres décisions. Peut-être aussi parce que nous étions suffisamment matures.

Quelles-sont les contraintes liées à la narration interactive ?

SD : La première contrainte est liée à la pluralité des lignes narratives. Il y a ensuite des contraintes techniques, notamment de décors : selon les choix des spectateurs, on doit pouvoir faire exister des histoires différentes dans des décors similaires.

SA : Les schémas sur paper board nous ont sauvé la vie (rire) ! Au-delà des contraintes, il s’agit aussi d’un retour aux fondements du théâtre, où les héros sont tiraillés entre désir et devoir : nous demandons au public de décider pour notre propre héros déchiré.

« Le concept d’arborescence et de narration interactive nous tentait depuis longtemps », S. Azzopardi

Comment avez-vous abordé le thème du choix ?

SD : Nous voulions initialement réaliser une pure comédie sur la question du choix. Or, nous avons vite réalisé que plaisanter pendant 1h30 autour du choix trahissait l’essence même de la notion de choix, qui est fondamentalement douloureux. Nous avons donc réorienté notre travail : la pièce recèle de moments de comédies, mais invite à la réflexion.

SA : En effet, comme dans la vraie vie, le spectateur est confronté à une alternance entre des choix triviaux tels que la veste à porter pour un premier rendez-vous, et d’autres plus capitaux comme retrouver ou non le premier amour de sa vie.

A votre avis, les spectateurs prennent-ils les décisions qu’ils auraient prises dans la vraie vie ?

SA : Il y a une dimension cathartique dans la pièce : certains font des choix qu’ils auraient aimé faire en vrai. Les spectateurs optent aussi fréquemment pour le choix le plus immoral, la triche et la trahison étant des promesses de spectacle.

SD : Malgré tout, certains veulent que leur personnage opte pour la probité, l’intégrité. Il y a donc chaque soir un conflit nietzschéen entre les spectateurs : les dionysiaques d’un côté, avides de scandale, et les apolliniens de l’autre, estimant qu’on peut voir une belle pièce sans parjure et trahison !

« A la différence des pièces interactives classiques, les choix des spectateurs impactent le déroulement de la pièce », S. Danino

Quel choix êtes-vous particulièrement heureux d’avoir fait ?

SD : Au lycée, je me destinais à travailler dans la physique fondamentale et l’astrophysique. Comme j’étais très mauvais en maths, j’ai dû choisir entre le redoublement (encore une fois !) et des études de lettres. J’ai décidé d’abandonner mon rêve scientifique, non sans douleur. Il s’agissait en fait d’un choix heureux, dont a notamment découlé ma carrière d’auteur.

SA : Fraîchement inscrit à la fac après mon bac, j’ai dû faire le choix vertigineux d’abandonner les études pour me dédier au théâtre… et je m’en réjouis !

Enfin, quels-sont vos projets en cours ?

SA : Je me concentre principalement sur L’embarras du choix, et retourne à la gestion du Palais Royal et du Michel. Comme je joue tous les soirs, la perspective de ce retour au bureau est moins douloureuse (rire) !

SD : J’ai terminé la rédaction de ma pièce Sacha contre Guitry, tout contre, qui traite des relations de Sacha Guitry et son père Lucien Guitry. Je recherche à présent un metteur en scène, à bon entendeur !

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Par Sophie Geneste