Victoria Abril, piquante dans Paprika !
Paprika est un nom qui va très bien à Victoria Abril. Comme le paprika Victoria est pimentée mais c’est aussi légèrement sucrée. Un piment rouge comme sa flamboyante chevelure. En plus, c’est une épice que l’on sert énormément dans les plats espagnols (pimentón) ! Pierre Palmade ne pouvait trouver meilleur nom pour habiller le personnage de cette pièce qui ne manque pas de piquant.
Il est 18h30 et je suis devant le théâtre de la Madeleine. Il a neigé à Paris en mars mais je n’ai pas froid car j’ai rendez-vous avec la plus chaleureuse de nos comédiennes, Victoria Abril. J’arrive dans sa loge qui fut, à l’époque, la loge de Monsieur Sacha Guitry. Elle a gardé toute l’atmosphère de ce grand monsieur et ses meubles. Je pense que Monsieur Guitry serait ravi de savoir que Victoria occupe désormais sa loge. Elle y apporte une folie et une énergie qu’il aurait adoré. Victoria est une espagnole vivant en France et moi je un suis français vivant en Espagne donc la première question que je lui pose est : « faisons-nous l’interview en français ou en espagnol ? » « En français bien sur puisque nous sommes en France ! » « Je rentre sur scène dans deux heures » me dit-elle. Et la voilà partie dans ses préparatifs : elle s’occupe de la magnifique perruque qu’elle porte sur scène. Elle la peigne, elle la brosse, elle s’amuse, elle rit et répond en toute franchise à mon interview. Une boule d’énergie, de charme, d’amour et de générosité !
Philippe Garçon.
Vous étiez déjà une grande vedette en Espagne avant d’arriver en France. Quel est le meilleur souvenir de votre carrière sur scène ?
Je crois que c’est lors de ma tournée de musique pour promouvoir mes deux albums, entre 2004 à 2005. J’ai passé les années les plus heureuses de ma vie. D’autant plus que pour ces disques, je me suis auto-produite pour faire ce que je voulais et avoir toute la liberté artistique que je nécessitais. J’ai lu que Pierre Palmade avait pensé d’abord à Amanda Lear pour incarner votre personnage. Non, en fait, quand il a commencé à écrire la pièce, il a d’abord pensé à Jacquelines Maillan. Mais Jacquelines Maillan étant partie, la pièce ne s’est pas faite. C’est ensuite qu’il a pensé à Amanda Lear, mais encore une fois ça n’a pas pu se faire. C’est un peu difficile parce qu’un acteur peu toujours dire non à la dernière minute.
Cela ne vous a pas posé problème que le rôle n’est pas été initialement crée pour vous ?
Non pas du tout, bien au contraire ! On est beaucoup plus libre quand le texte est écrit pour un autre. À la seule condition que tu aimes le texte, bien sûr ! Parlez-nous de l’affiche du spectacle, que l’on peut voir partout dans les rues parisiennes. Elle est très réussie ! Je l’aime beaucoup, c’est moi qui l’ai confectionnée. En un seul coup d’œil, on comprend bien l’intrigue sans en savoir trop. Juste avec le chapeau, la tyrolienne, on comprend son statut de femme de ménage, on voit bien le fils qui essaie de rentrer dans sa vie et elle qui le rejette…
Le public français vous connaît aussi pour votre personnage de Caroline, dans la série « Clem » depuis 8 ans. Cette maman poule ressemble-t-elle ?
On est les mêmes ! Je l’ai volontairement crée au plus près de moi, en gardant mon accent espagnol. Et tant mieux, parce que quand on joue dans une série, ce n’est pas comme un film, où tu as le temps de préparer ton personnage avec beaucoup de profondeur, où tu peux aller jusqu’à modifier la couleur de sa voix. Pour « Clem », parfois le scénario arrive juste une semaine avant le tournage, j’ai beaucoup moins le temps de le préparer. Donc tant mieux si elle me ressemble !
Considérez-vous que vos origines espagnoles ont été un atout pour votre carrière en France ?
Je ne suis pas du tout venue en France par carriérisme mais pas amour ! Je ne venais pas ici pour travailler. Mais on m’a tout de suite proposé des films. Dès 1983, “La Lune dans le caniveau” avec Gérard Depardieu était à Cannes, hyper polémique, rejeté par Depardieu lui même… Mais la critique m’a sauvée et ça a vértiablement lancé ma carrière française ! J’ai continué en Espagne avec les metteurs en scène avec lesquels j’avais l’habitude de travailler. C’est assez drôle, parce qu’ici j’ai fait une carrière comique alors qu’en Espagne j’ai surtout fait des drames. Pour moi c’était parfait ! On ne peut pas jouer tout le temps des drames. À la trentaine, tu as envie de rire un peu !
Et quand est-ce qu’on vous retrouve au théâtre en Espagne ?
Ça fait très longtemps que je ne travaille plus en Espagne, donc je n’en sais rien ! Je préfère y aller en vacances pour recharger les batteries. Ou à Madrid pour aller voir ma mère. J’aimerais vous demander : une question qu’on ne vous a jamais posée ? Il y a surtout des questions que je ne supporte plus qu’on me pose ! Les questions sur Almodóvar, par exemple, j’en ai vraiment marre. Ça fait 25 ans qu’on me demande si je vais retravailler avec lui. Vraiment, je n’en sais rien !
Quel est votre rêve le plus fou ?
« Más de lo mismo » (« toujours plus de la même chose »). Et avoir toujours une bonne santé. À l’heure d’aujourd’hui, je ne fais pas autre chose que travailler puisque mes enfants sont plus grands et qu’ils ne sont plus à la maison. Je travaille douze mois par an. Parfois, j’ai l’impression que c’est mois treize mois par an. Et puis de toute façon, en vacances, je m’ennuie ! Quel est votre prochain projet ? Quand je finis au théâtre de la Madeleine, je vais aller au Japon où mon chéri est en train de travailler.