Blanche Gardin : « La vanne, c’est pour faire avaler la pilule »

Elle était encore méconnue il y a deux ans, et pourtant Blanche Gardin est sans nul doute l’humoriste du moment. Son dernier spectacle, Bonne nuit Blanche, s’est joué à guichets fermés cet automne, à l’Européen. Une reprise (déjà complète) est prévue dans la même salle d’avril à mai, clôturée par trois dates à la Cigale.

« Attendez, je suis la seule femme nommée, l’année de l’affaire Weinstein… C’est tout moi ça, c’est l’histoire de ma vie : le jour où j’ai un prix, il a aucune valeur. J’ai l’impression d’être un rebeu du 9-3 qui vient d’être admis à Sciences Po. » Lorsque Blanche Gardin prononce ce discours, elle vient de recevoir un Molière pour son deuxième one woman show, Je parle toute seule. Une première pour une femme. Et pas pour n’importe laquelle. A 41 ans, l’humoriste aux punchlines décapantes fait salle comble.

Blanche Gardin a été révélée en 2006 par le Jamel Comedy Club. Elle a rejoint la troupe, et a participé à ses spectacles durant trois ans. En parallèle, elle a présenté Ligne Blanche, une émission hebdomadaire de sketchs diffusée sur la chaîne Comédie ! Elle a également joué dans une quinzaine de films et en a coécrit deux, Le Crocodile du Botswanga (réalisé par Fabrice Eboué) et Problemos (d’Eric Judor). A la télévision, elle a tenu le rôle principal dans la série Workingirls (Canal +) et a co-créé la série à succès Parents mode d’emploi (France 2).

L’humour (noir) de Blanche Gardin ne ressemble à aucun autre. Dans un phrasé très bavard, elle a l’art de glisser quelques réalités bien senties, avec un cynisme embarrassant de vérité. Il y a chez Blanche un côté névrosé qu’on aime partager avec elle. Lorsqu’elle parle du viol, des handicapés, de ses week-ends à la campagne ou de sa dernière coloscopie, le propos n’est jamais amené dans l’unique but de faire rire.

« La vanne, c’est pour faire avaler la pilule », explique- t-elle. Le fond donne matière à réflexion, et relève parfois de l’analyse politique ou sociologique (un clin d’œil à son cursus universitaire, peut-être ?). La forme, elle, est d’un niveau de langue rare dans l’exercice du seul-en-scène.

Parler pour soigner les névroses de la société

Lorsqu’elle entre sur scène avec une tenue digne d’une autre époque (celle que l’on met lorsque l’on vient « d’un cours de harpe », dira-t-elle), Blanche joue sans complexe de son image de quadra au bord du suicide. Grâce à ses fragilités et même grâce à ses névroses, elle a su arborer un style unique, loin des clichés du genre. Elle remerciera d’ailleurs, lors des Molières 2018, ses parents « qui [lui] ont transmis cette belle angoisse de mort », ainsi que son thérapeute, « qui fait qu’[elle] garde des névroses assez intactes pour pouvoir écrire des blagues ».

Blanche pratique en effet la scène comme une thérapie. Et lorsqu’elle termine sa logorrhée verbale, la lumière s’éteint avec pudeur. L’humoriste, presque gênée des applaudissements, semble apprivoiser le succès dans l’ombre. Elle n’accorde d’ailleurs pas d’interviews aux médias et garde chacune de ses pensées (caustiques et crues, souvent) pour sa catharsis scénique. Un spectacle qu’elle interdit d’elle-même aux moins de 17 ans. Une séance de psy – sans le psy mais avec de l’humour – à ne pas manquer. Petit conseil : respirez profondément avant que le spectacle commence, car Blanche ne vous laissera pas une seconde de répit !

Par Nadine Pernay

À partir du 14 mars à l’Européen, le 31 mars au Zénith.