Sandra Everro

Codirectrice du théâtre le Funambule dans le XVIIIe arrondissement et comédienne, Sandra Everro est passée de l’autre côté de la scène il y a peu. Sa dernière (et très réussie) mise en scène, « Qui vole un œuf », suit la folle aventure d’une femme désirant recourir à la PMA après la perte de son mari.

Elle évoque avec nous son travail sur cette comédie rocambolesque, aux allures de road movie…

Racontez-moi vos débuts au théâtre.

J’ai commencé le théâtre à 10 ans et je ne suis ensuite plus sortie de scène : étant une enfant très timide, c’était un espace d’expression inédit. J’ai donc joué en amateur jusqu’à 18 ans puis j’ai passé mon bac option « théâtre ». J’ai ensuite fait des études cinéma pendant trois ans, avant de retourner aux cours d’arts dramatiques pour devenir comédienne.

Vous avez tout de même un peu travaillé dans le cinéma ?

J’ai eu l’opportunité de faire des tournages, mais rien n’a jamais rivalisé avec la mise en danger du spectacle vivant. C’est un frisson tout autre ! Le retour du public offre quant à lui une gratification exceptionnelle. Mais c’est aussi cette mise en danger qui m’a amenée dans la mise en scène… Le trac prenait un peu trop le pas sur mes journées, et je me trouvais incapable de relativiser. Je suis donc passée de l’autre côté, et pense avoir trouvé ma place à la mise en scène. En effet, mon expérience de directrice de théâtre m’a permis de savoir gérer des équipes, mais aussi les égos et la sensibilité des comédiens, puisque j’ai été moi-même à leur place.

Dans Qui vole un œuf, vous faites traverser l’Europe aux personnages. Un challenge en matière de mise en scène ?

Un vrai défi ! J’ai conservé la pièce plusieurs mois avant de visualiser la scénographie. Il me fallait trouver comment passer d’un pays à l’autre et d’un intérieur à l’extérieur. L’abstrait s’est donc très vite imposé. On a joué sur des pans de murs blancs et gris, et travaillé sur la lumière avec notamment le panneau des ombres chinoises. Des contraintes naît toujours une grande créativité !

Au-delà du loufoque et du rythme endiablé, il s’agit d’une pièce relativement engagée. L’enjeu est important pour vous ?

Sans pour autant verser dans l’élitisme, j’aime qu’il y ait du fond, et traiter de sujets qui interpellent. Aujourd’hui, la PMA n’est pas un thème qui prête à rire, mais aux yeux de ces trois femmes, il s’agit d’un leitmotiv assez fort pour se lancer dans un road trip absolument fou. Il faut d’ailleurs souvent un grand enjeu ou une urgence pour lancer l’action d’une pièce. Qui vole un œuf ne prend en revanche pas parti, et ne se veut pas moralisatrice. Si l’on permet aux gens de se poser des questions, tant mieux !

Comment la pièce est-elle accueillie par le public ?

Très bien, et c’est certainement grâce à la manière dont la pièce a été construite. C’est une pièce d’1h10, dont les 35 premières minutes sont relativement sérieuses puisqu’elles sont dédiées au domaine médical et recèlent de termes scientifiques tels que les FIV, les DPI, etc. Une fois ce vocabulaire digéré, il ne reste plus que la folie de ces trois femmes qui deviennent de vraies fugitives ! Grâce à l’absence de caricatures au départ, et en commençant doucement, on peut ensuite se permettre une fin en apothéose. Finalement, ce qui plaît énormément sont les rouages de la mécanique qui s’emballe, et le rythme endiablé de la deuxième moitié de la pièce.

Quels projets à venir ?

La mise en scène de Derrière le miroir. La pièce raconte un auteur en mal d’écriture qui finit par écrire un roman qui n’est pas à son goût. Il convoque alors tous ses personnages afin d’en éliminer un et servir son histoire. Ne trouvant pas le courage de le faire, les personnages vont donc devoir s’éliminer entre eux. On bascule sans cesse entre réalité et fiction, et il y a une volonté de perdre le spectateur entre conscient et inconscient. J’envisage une mise en scène à la Tim Burton avec de la magie, des effets spéciaux et de la phosphorescence dans les lumières… Nous partons en résidence au Théatre 13 à partir de décembre pour ce projet ambitieux.

Au Théâtre du Funambule.

Propos recueillis par Sophie Geneste