AÏDA ASGHARZADEH – Conteuse magicienne
Elle est auteure, comédienne et maintenant metteuse en scène pour « Les grenouilles du Baïkal », un magnifique voyage chimérique pour une ode aux fragiles, aux bizarres, aux dépressifs. Dans un futur onirique, la fantaisie de Grisha, un bègue perclus d’angoisses va percuter la poésie de Sacha, amnésique en dépression, et créer une bulle d’amour. Grisha fait le pari fou de guérir Sacha dans un périple semé d’aventures multicolores et fantastiques.
Comment l’écriture de Raphaële Volkoff vous a-t-elle séduite?
Quand Raphaële m’a dit : « J’ai écrit une pièce. Je pense à un metteur en scène. Je veux que ce soit toi », j’ai ri : « Je ne fais pas de mise en scène, Raph. » Mais en lisant sa pièce j’ai eu des images très claires dès la première nuit. J’ai tiré le fil de ce que ça venait toucher en moi, le « thème de vie » qui s’est dévoilé.
Par quelle alchimie avez-vous transposé ces images dans votre mise en scène ?
En tant qu’artiste, j’aime traverser des lieux, des ambiances hétéroclites. Les Grenouilles est un texte très riche en ce sens. J’ai la chance de travailler avec un producteur, David Roussel, qui me correspond à 100%. Son conseil « Rêve ton esthétique idéale. Si ça te paraît impossible à réaliser, ce n’est pas ton problème mais celui de ta scénographe. Choisis-la bien. Voici le numéro de Sarah. » Dès le premier rendez-vous avec Sarah Bazennerye, chacune avait son propre mood-board… Nous avions exactement les mêmes références. À partir de là, on a pu escalader l’échelle de l’imaginaire ensemble.
À travers votre mise en scène préférez-vous faire réfléchir, divertir, ou bien guérir ?
Raconter des histoires et peut-être guérir, du moins donner un peu d’espoir. C’est ce qui m’intéresse dans le théâtre. Quand j’écris ou crée, je vise avant tout à être extrêmement honnête avec moi-même, à livrer ce qui me touche, ce qui me fait réfléchir, rire, me guérit. J’espère ainsi atteindre d’autres personnes. Nous sommes tous reliés…
Votre pièce Les poupées persanes est servie par la superbe mise en scène de Régis Vallée, l’alliage entre réalisme et onirisme vous semble-t-il idéal pour « enchanter » le public ?
Nous savons tous que l’art « c’est pour de faux ». Au théâtre, tout est susceptible de le rappeler. Si le spectacle est réussi, le spectateur oublie ce cadre et joue à « c’est pour de faux » avec nous. C’est seulement là que l’émotion peut naître. Il faut des touches d’onirisme dans ce cadre si concret pour déclencher le rêve.
Après un triomphe au festival Off 2021, Les poupées persanes reviennent à Avignon cet été, à Paris le 24 août, avant une tournée en France. Pensiez-vous rencontrer un tel succès ?
Je suis extrêmement émue de voir les spectateurs si sensibles aux Poupées persanes, pièce à l’origine de ma vocation. J’avais besoin, petite, de dire : « Mes parents ont vécu ça. C’est injuste. Ce sont des héros. Ils sont seuls. Enfin eux et tous les autres iraniens sont seuls ». C’est très particulier de découvrir à 14 ans que son père a été prisonnier politique, que ses parents ont été des révolutionnaires, qu’ils ont fui leur pays à dos de cheval, qu’ils n’ont pas toujours vendu des jouets dans une petite boutique du 15e… Raconter cette histoire c’est « laver » la génération de mes parents de leur sentiment de culpabilité de laisser en héritage un pays sous république islamique, et peut-être ouvrir la voie d’un changement politique aux générations futures.
FESTIVAL D’AVIGNON
T. DES BÉLIERS AVIGNON
17h25 (relâche les 12, 19 et 26)