HOMMAGE À MARGUERITE GOURGUE
Passion et talent… Une âme artistique exceptionelle.
Née en Algérie, elle ne pouvait oublier l’arrivée à Marseille, en 1962. Sa mère et cette jeune fille de 19 ans, seules sur un quai, accompagnées par l’angoisse. 60 ans plus tard, en présentant au La Bruyère, son théâtre, Là-bas de l’autre côté de l’eau, pièce de Pierre-Olivier Scotto, mise en scène par Xavier Lemaire, Marguerite pleurait chaque soir. « On aime beaucoup, quand le théâtre aide à comprendre l’Histoire et travaille à réconcilier », mentionnait Télérama. La réconciliation avec au fond du cœur pour Marguerite, le souvenir persistant de son Algérie natale.
À Paris, dès 1964 Marguerite est assistante à la mise en scène pour le cinéma, dans les films de Serge et Francis Leroi. En 1979, c’est l’ORTF. Assistante à la mise en scène pour les émissions de variétés qui ont fait rêver les téléspectateurs, Maritie et Gilbert Carpentier, Collaro… Leçons d’exigence, vrai professionnalisme, gages de qualité. Elle apprend. Marguerite s’imprègne de cette vigilance et s’exerce à la critique et l’autocritique.
Les derniers feux de l’ORTF la trouvent avec Pascale Breugnot à l’étude des documentaires. Puis c’est la SFP, première assistante, elle assure la mise en scène des plus importantes fictions et séries pour TF1 et France 2 : les 5 dernières minutes, Maigret, Trafic avec Christian-Jaque en tant que réalisatrice, Le Passe-Muraille de Pierre Tchernia…
Cinq ans plus tard, homologuée réalisatrice, elle se passionne pour la réalisation.
Après onze ans d’expérience, à la SFP, elle prend la direction littéraire de Protecrea, filiale de TF1. Dévorant les pièces et les scénarios, Marguerite recrute les équipes, travaille les textes avec les auteurs, crée des séries qui répondent au cahier des charges de la chaîne. Sa sensibilité, son intuition et son expérience lui permettent de découvrir des auteurs, des scripts qui l’approchent progressivement du théâtre. Aussi, lorsque TF1 décide de fermer Protecrea dix ans plus tard, Marguerite créé Script Productions et poursuit son travail d’atelier et de direction d’écriture. Ce travail l’installe définitivement dans le monde du théâtre, productrice, confortée aussi par son acquis dans la mise en scène. Elle produit De vrais amis de Serge Adam, mis en scène par Jacques Connort au Théâtre Dejazet. Là, elle réalise qu’il serait plus opérant d’avoir sa propre salle pour imprimer ses choix.
Avec sa compagne, Isabelle Moulin, elles étudient les salles parisiennes possibles et se rapprochent en 2005, de Stephan Meldegg, directeur du Théâtre La Bruyère. L’acquisition fut progressive pour aboutir définitivement en 2008. Leur souhait et priorité à toutes deux fut de monter des pièces d’auteurs contemporains, Pierre Notte, Gérald Sibleyras, Éric-Emmanuel Schmitt… de proposer des pièces engagées comme Les Vœux du Cœur de Bill Davis, mis en scène par Anne Bourgeois…
La direction du théâtre devint la passion de Marguerite Gourgue. Là, elle découvrait des textes, appelait des
producteurs, rencontrait les metteurs en scène, initiait des projets et montait des spectacles. Isabelle adhérait, sûre du flair inné de Marguerite. C’est ainsi qu’ensemble elles ont produit des pièces qui se jouaient encore à Avignon l’été dernier.
Quelle récompense lorsque les pièces qu’elles produisaient étaient reconnues par la profession : Molière de la comédie avec Les 39 marches d’Hitchcock, mise en scène Éric Métayer ; Molière du théâtre privé avec Les Cavaliers de Kessel, mis en scène par Éric Bouvron ; Molière de la meilleure pièce chantante, avec Chance d’Hervé Devolder…
Cette grande dame du théâtre était cer tes, une dénicheuse de talents, mais c’était avant tout une passionnée.
L’an passé, désireuse de passer plus de temps à voyager avec Isabelle, elle a cédé la gestion de son théâtre, sans renoncer à la production, précédée par des choix la rapprochant aussi de ses amis, Christophe Segura et Jean-Claude Lande.
Les voyages étaient aussi une passion, ils nourrissaient sa pensée et son cœur. En remontant le Mékong, le 12 mars, le cœur de Marguerite s’est arrêté.
Chère Marguerite, ta passion, ton dévouement et ton talent ont illuminé les scènes pendant ces précieuses années. En ta mémoire, nous célébrons une amie chère, une directrice inspirante et une âme artistique exceptionnelle. Repose en paix, Marguerite, ton héritage perdurera dans nos souvenirs et dans nos cœurs.
