L’EMBARRAS DU CHOIX
A la Gaîté Montparnasse, un succès interactif qui ne faiblit pas depuis 2022.

©Emilie Brouchon
Le pitch : un héros paralysé, un public en pleine responsabilité
Le jour de ses trente-cinq ans, Max réalise qu’il est passé à côté de sa vie. Incapable de choisir, tétanisé par la peur de se tromper, il décide de s’en remettre à ses proches. Enfin… à ses très nombreux proches : le public. Amour, amitié, carrière, famille : Max a besoin de vous. Littéralement. A chaque étape de son parcours, c’est la salle qui votre, tranche, décide. Et ce sont vos choix qui déterminent la suite de l’histoire, faisant de chaque représentation une version unique.
Une narration interactive au service du fond
L’embarras du choix est bien plus qu’une pièce interactive : c’est une narration arborescente, où les décisions des spectateurs impactent réellement le cours de l’histoire : « Nous désirions depuis longtemps écrire une pièce arborescente, où le public est le héros de l’histoire. A la différence des pièces interactives classiques, les réactions et les choix des spectateurs ont un impact sur le déroulement de la pièce. C’est ce qu’on appelle la narration interactive » nous confiait Sacha Danino dans une précédente interview. Un désir de longue date, partagé par Sébastien Azzopardi : « Le concept nous tentait depuis longtemps, mais la tâche nous paraissant impossible. Il est finalement revenu en force, peut-être parce que nous avions trouvé notre axe : faire correspondre ce concept au thème des choix de vie, et interroger le public sur ses propres décisions« .
Une comédie, mais pas seulement
Sous ses airs légers, la pièce aborde un thème universel : le vertige du choix, ses conséquences, ses regrets.
« Nous avons vite réalisé que plaisanter pendant 1h30 autour du choix trahissait l’essence même de la notion de choix, qui est fondamentalement douloureuse. Nous avons donc réorienté notre travail : la pièce recèle des moments de comédie, mais invite à la réflexion » (Danino). Ainsi et comme dans la vie, tout oscille entre le trivial et l’essentiel. « Le spectateur est confronté à une alternance entre des choix triviaux tels que la veste à porter pour un premier rendez-vous, et d’autres plus capitaux comme retrouver ou non le premier amour de sas vie« (Azzopardi).
Une mécanique de scène impressionnante
Portée par une distribution parfaitement rôdée, la pièce repose sur une agilité de jeu peu commune. Les comédiens doivent jongler chaque soir avec les bifurcations de l’intrigue, enchaîner des dialogues alternatifs, réafir en temps réel aux décisions du public, tout en maintenant l’énergie et la cohérence du récit. « Ils n’apprennent pas un texte, mais des parcours » (Danino). Azzopardi, également metteur en scène et interprète nous confiait : « Pour la première fois en sortie d’écriture, je ne connaissais pas le texte par cœur !« . Un pari exigeant… relevé haut la main.
Le public, entre catharsis et chaos moral
Les choix du public sont parfois surprenants, voire déroutants. « Certains se lâchent et optent pour des décisions amorales, d’autres restent très sages » (Azzopardi), on assiste ainsi à de vrais clivages chaque soir entre « les dionysiaques qui veulent du scandale, et les apolliniens qui recherchent l’élévation morale » (Danino). Ce théâtre d’un nouveau genre révèle autant sur les spectateurs que sur le personnage de Max : à travers le destin du personnage, L’Embarras du choix interroge aussi nos propres contradictions.
Un succès qui dure
Depuis sa création en 2022, L’Embarras du choix ne cesse de séduire. Nommée aux Molières de la Comédie dès sa première saison, la pièce poursuit aujourd’hui son parcours à la Gaîté Montparnasse avec un succès qui ne se dément pas. Et c’est mérité : l’audace de sa forme bien sûr, la richesse du propos, mais aussi la mécanique ludique se conjuguent parfaitement. Chaque soir, le public rit, hésite, débat… et choisit.
A la Gaîté Montparnasse
Par Sophie Geneste