COLORATURE

Le rêve de Florence Foster Jenkins

(c) Michael Crotto

Il y a, de temps à autre, des personnalités que toute une génération trouve si touchante qu’elle ne peut l’oublier. Elles occupent une petite aire de la culture populaire, pas tout à fait présentes à l’esprit de la majorité, mais assez pour inspirer certains créatifs. C’est le cas de la riche excentrique Florence Foster Jenkins, dont l’histoire est racontée au théâtre par Agnès Bove, Grégori Baquet et (en alternance) Cyril Romoli.

La fin justifie les moyens

C’était une femme qui avait les moyens de ses ambitions, à défaut du talent. Passionnée d’opéra, Florence Foster Jenkins a poursuivi une carrière de chanteuse qui l’a menée jusqu’à la prestigieuse salle new-yorkaise, le Carnegie Hall, applaudie à tout rompre, sans jamais toucher une note juste. C’est une histoire extraordinaire, dans laquelle on peut voir à la fois toute la bonté et la mesquinerie du genre humain : qui peut dire si la majorité de son public est venue la voir par admiration pour la démarche de cette grande rêveuse, par pitié, ou par plaisir de moquerie ?

Elle est en tous cas incarnée avec beaucoup de sérieux et de tendresse par plusieurs actrices consécutives, en France comme à l’étranger. A Broadway d’abord, en 2005, dans la pièce souvenir, pour laquelle l’actrice Judy Kay est nommée au Tony Award de la Meilleure Actrice. Des tournées dans certains pays d’Europe, d’Amérique du Sud et d’Océanie font connaître son histoire, passant par la France une première fois en 2012. Si vous n’avez pas eu l’occasion de voir cette première édition mais que cette histoire vous dis quand même quelque chose, c’est peut-être que le film qui s’en inspire, Marguerite, (avec Catherine Frot) vous a marqué, ou que celui éponyme avec Meryl Streep ne vous a pas laissé indifférent.

Justesse de jeu

Cette année, elle est jouée au Théâtre Actuel La Bruyère par Agnès Bove, comédienne qui, elle, a bien été formée au chant lyrique, et n’écorchera les oreilles du public qu’avec beaucoup de contrôle. Elle est accompagnée sur scène, en alternance, de Grégori Bacquet et de Cyril Romoli. Ils interprètent Cosme McMoon, le pianiste et ami de Florence qui l’a suivie jusqu’au Carnegie, reconverti en musicien de jazz après la mort de la chanteuse en 1944. Sur scène, il est celui qui nous raconte l’histoire de cette femme au destin extraordinaire, à la résolve de fer, et sur qui il pose un regard plein d’affection et d’humour. D’anecdotes en anecdotes se dessinent les contours de ce duo improbable, dont l’histoire a été adaptée par Stéphane Laporte, lauréat du Prix de l’Adaptateur de théâtre attribué par la SACD en 2012. La mise en scène est signée Agnès Boury, avec qui il a l’habitude de travailler et dont le dernier succès en date est Une idée géniale de Sébastien Castro (deux Molières en 2023). L’équipe sait ce qu’elle fait, et touche représentation après représentation la corde sensible d’un public conquis par cette histoire qu’il (re)découvre et qu’il n’oubliera pas.

A partir du 25 janvier, au Théâtre Actuel La Bruyère

Par Léa Briant