DIDIER VINSON – «Le Secret de Sherlock Holmes »
Comment reprendre le rôle emblématique du détective anglais au théâtre ? Brillamment écrit et mis en scène par Christophe Guillon, « Le Secret de Sherlock Holmes » se veut une pièce chorale, une comédie policière et d’aventure, où tous les acteurs se fondent dans l’exubérance d’un décor victorien. Enquêtes, meurtres et éclats de rire font partie du cahier des charges de cette pièce enjouée dont Didier Vinson, dans le rôle-titre, nous explique les rouages.
Pourquoi l’histoire de Sherlock est-elle toujours aussi appréciée du grand public ?
Holmes est le héros par excellence auquel on peut s’identifier, car il est indépendant. Il est à l’affût de tout et choisit ses enquêtes avec un grand sens de la justice. Il travaille souvent sur des meurtres dont les victimes sont des gens assez simples, comme dans Le Chien Des Baskerville. Holmes n’est pas un homme d’argent et il a ce petit côté Robin des Bois qui nous attire tous. Ce personnage n’est pas exempt de défaut, il est asocial, froid, cyclothymique. Il préfère agir que de consoler.
En quoi cette version du célèbre enquêteur se démarque-t-elle des autres ?
Dans notre pièce, Holmes est un personnage qui brûle les derniers feux de sa jeunesse. Il vient juste de rencontrer Watson qui rentre de l’armée et peine à se réintroduire dans la société. Christophe Guillon ponctue sa pièce d’innombrables références à d’autres oeuvres, avec notamment un hommage à Cyrano de Bergerac, au Grand Guignol, et aussi à tous les films de la Hammer avec de l’hémoglobine et de l’absurde. Les gens adorent car ils viennent voir Holmes mais redécouvrent aussi les héros de leur enfance avec le western et les films de cape et d’épée. Tout cela arrosé d’humour bien sûr ! Souvent des gens sont sortis de la pièce en disant “Nous avons vu un beau film !”.
Le public est-il lui aussi invité à enquêter ?
Il ne s’agit pas directement d’une pièce interactive, mais nous encourageons le public à enquêter avec Holmes. Parfois, je surprends des gens dans le public qui poussent des clameurs de satisfaction devant le génie de Holmes. Chaque soir, le public raisonne avec Holmes et en vient à ses propres conclusions. Dans cette pièce, tout est logique du premier au dernier acte, et c’est pourquoi elle a reçu le prix polar du meilleur spectacle théâtral 2021 au festival de Cognac.
La pièce fait-elle la part belle à l’humour anglais ?
En matière d’humour, nous pratiquons aussi bien l’humour anglais, avec une absurdité typique et une diction particulière que l’humour français. L’humour anglais, c’est l’usage fréquent de l’«understatement » (un euphémisme poussé à l’extrême) mais aussi le travestissement et le déguisement. L’esprit français n’est pas oublié non plus, il y a des jeux de mots, de la gaudriole. En matière d’humour, nous avons donc une pièce qui pratique l’Entente franco-britannique.
Quelles sont les difficultés de jouer un rôle si emblématique au théâtre ?
Là il s’agit d’appréhender et donc de montrer en direct et en une heure et demie toutes les facettes de Holmes, à ce stade-là de sa vie, et elles sont nombreuses. Passer d’un registre à l’autre, d’une humeur à l’autre sur un claquement de doigt, faire vivre les ruptures et les changements soudains qui s’opèrent à l’intérieur du personnage, le rendre sympathique malgré son génie, ça c’est extrêmement compliqué… J’ai la chance de travailler avec un metteur en scène très exigeant, qui ne se satisfait pas d’un travail de surface et qui nous pousse moi et les autres dans nos retranchements. L’investissement en tant que comédien est dense pour chacun d’entre nous et à tous les niveaux. Sur scène nous tentons chaque soir de tout donner!
Par Vincent Touveneau
THÉÂTRE LA BRUYÈRE, à partir du 14 avril