FÉERIE – Éblouissant et éternel

Féerie : ©Philippe Wojazer. Janet Pharaoh : ©Sandie Bertrand

Le lieu le plus emblématique des nuits parisiennes abrite depuis 22 ans Féerie. Ce spectacle d’un esthétisme et d’une précision incomparables est porté par une équipe et des danseurs passionnés. Rencontre avec la maîtresse de ballet / directrice artistique associée Janet Pharaoh et le chorégraphe résident Eric Pehau-Sorensen.

Pourquoi avoir choisi de travailler au Moulin Rouge ?

Janet Pharaoh : L’autre jour une de mes nouvelles danseuses, tout juste 18 ans, m’a dit après son premier spectacle devant le public : « C’était génial, je ne peux pas croire que je suis payée pour ça, c’était une vraie joie ! » Tout comme moi, cette danseuse a réussi à réaliser le rêve qu’elle avait depuis son plus jeune âge. Ce qui a nécessité des années de travail acharné et d’abnégation en particulier pendant l’adolescence, lorsque les amies d’école commençaient à sortir, elle, future danseuse allait plutôt s’entraîner. Pour un danseur, le Moulin Rouge est le meilleur endroit pour travailler, non seulement pour son histoire, sa grande salle d’époque, mais également pour sa revue à grand spectacle.
Eric Pehau-Sorensen : Le Moulin Rouge a une très belle histoire et est connu dans le monde entier. J’avais envie de faire partie de l’histoire de cette maison. Je suis arrivé ici en tant que danseur dans les années 90. C’était une chance et un honneur d’être choisi pour intégrer la troupe. Pour le côté technique, c’est une expérience très enrichissante pour un danseur, les chorégraphies sont très diversifiées et nécessitent une connaissance de beaucoup de techniques de danse différentes et variées. Aujourd’hui, je suis fier de participer à la grandeur et à la renommée du Moulin Rouge.

Quels sont vos parcours professionnels respectifs ?

JP : Je me suis formée à l’école de théâtre Mullen de Leeds, où il est vite devenu évident que mes options de carrière en tant que danseuse seraient limitées aux entreprises qui recherchent uniquement des danseuses très grandes. En 1977, j’ai rejoint la troupe des Bluebell Girls au Lido de Paris, célèbre à l’époque pour ses
danseuses glamour aux longues jambes. Puis je suis allée danser à la Scala de Barcelone, qui a tragiquement été bombardée. J’ai eu la chance de recevoir un jour un appel de Miss Doris, ma prédécesseuse ici au Moulin Rouge, qui m’a offert un contrat dans son spectacle à Monte-Carlo. J’y suis restée deux ans avant de finalement lui demander de venir à Paris pour travailler au Moulin Rouge. J’ai tenu à peu près tous les rôles imaginables, de capitaine de danse à maître des serpents. En 1997, on m’a proposé le poste de maîtresse de ballet au Moulin Rouge, puis de directrice artistique associée. Une partie de mes responsabilités consiste à organiser des auditions dans le monde entier pour m’assurer que les 60 danseurs sur scène chaque soir soient les meilleurs.
EP : Je suis originaire de Norvège, après plusieurs années de gymnastique, j’ai débuté comme nous tous par plusieurs années de danse classique et contemporaine. Quand j’ai terminé l’opéra de Norvège, je suis parti travailler à Londres dans une troupe néo-classique. J’ai poursuivi dans plusieurs comédies musicales comme West-Side Story, Grease et Sweet Charity en tant que chanteur, danseur et acteur ! Et enfin, je suis arrivé au Moulin Rouge comme danseur en 1992. Quelques années après, j’ai été nommé capitaine des danseurs.

En plus de la danse, quelles qualités recherchez-vous chez les danseuses du Moulin ?

JP : En plus d’être un bon danseur gracieux avec une solide formation, capable d’exécuter la chorégraphie du spectacle avec précision, un danseur du Moulin Rouge doit avoir une certaine présence sur scène, sa propre personnalité, du charisme, un sourire conquérant, ainsi qu’une belle silhouette et la taille requise pour porter nos fabuleux costumes. Ils doivent également avoir la discipline nécessaire pour maintenir leur technique de danse en dehors de l’école de danse. La capacité d’interagir, la discipline et la fiabilité sont des qualités très importantes pour nous.
EP : Nous cherchons des artistes à l’aise pour danser tout en portant des costumes parfois volumineux, le tout avec beaucoup de grâce et de classe. Nous regardons aussi le charisme, la personnalité sur scène, l’allure ; danser avec un sourire naturel et une énergie débordante est aussi très important, particulièrement pour le French Cancan qui est la signature du Moulin Rouge et qui exige des qualités très particulières.

Le spectacle laisse-t-il la place à l’improvisation ?

JP : Le danseur fait partie d’une équipe qui doit être harmonieuse physiquement et mentalement, tant sur scène qu’en dehors. En tant que danseur individuel, vous êtes responsable de donner le meilleur de vous-même à chaque représentation, mais la chorégraphie doit être exécutée exactement par tout le monde. Les danseurs ne peuvent pas choisir comment les pas de danse sont exécutés, mais ils doivent chacun faire preuve de personnalité et de caractère. De même, la présentation, la coiffure, le maquillage, tant pour les danseurs que pour les danseuses, doivent être harmonieux.
EP : Le spectacle ne laisse pas de place à l’improvisation. C’est ce qui fait que la chorégraphie est aussi belle, tout est une question de précision et de coordination entre nos 60 artistes. Il y a une petite nuance pour nos trois meneuses de revue et notre meneur de revue qui eux peuvent se permettre d’apporter une petite touche personnelle en apportant un jeu de regard différent par exemple, ou en personnalisant un port de bras.

Que représente la « Doriss Girl » de 2022 ?

JP : Je pense que les Doriss Girls représentent encore aujourd’hui ce que les premières danseuses de cancan du Moulin Rouge ont voulu représenter il y a 133 ans : la liberté d’être des femmes indépendantes, de penser, de danser et de faire de leur corps ce qui leur plaît.
EP : La Doriss Girl d’aujourd’hui c’est une femme indépendante, courageuse, moderne, forte, motivée et sans peur. Elles viennent parfois de loin, elles quittent leurs pays et leurs familles pour venir s’installer à Paris. C’est très courageux.

Trois mots pour décrire Féerie ?

JP : Émerveillement. Éblouissant. Splendeur.
EP : Dynamique. Elégance. Grandiose.

MOULIN ROUGE