INTERVIEW DE BENOIT SOLES

Bientôt 1000 représentations pour « La Machine de Turing »

(c) Fabienne Rappeneau

Il y a 5 ans, nous rencontrions Benoit Solès. Il nous racontait autour d’un café la genèse d’une pièce qui allait devenir un succès incontestable aux 4 Molières. Nous le retrouvons donc avec une certaine émotion à l’approche de la 1000ème de « La Machine de Turing », l’occasion pour lui d’évoquer cette superbe aventure et les riches projets qui ont suivi…

C’est donc la 1000ème de La Machine de Turing, quelle pensée vous traverse ?

C’est très beau, ça relève du rêve. Comme tous mes camarades qui lancent leurs spectacles, on rêve d’une telle longévité, mais on ne peut pas imaginer que ça va arriver. Je dirais aussi que c’est passé très vite, parce que la pièce s’est jouée à Paris, puis il y a eu beaucoup de tournées en France mais aussi à l’étranger. Finalement, je ressens un mélange de stupéfaction et de gratitude envers le public.

La pièce connaît aussi un succès à l’international…

Le spectacle est aujourd’hui joué dans une quinzaine de pays. Il y a vraiment quelque chose de commun pour l’ensemble des productions, c’est la grande émotion qu’éprouvent les gens à la découverte de ce destin inouï. Bien sûr, la pièce suscite aussi beaucoup de fascination du fait de la pensée quasi prophétique de Turing, qui résonne aujourd’hui fortement avec les enjeux liés à l’intelligence artificielle et la place que les machines occupent dans notre monde.

Quelle émotion à l’idée de retourner au Théâtre Michel ?

Beaucoup de joie, c’est un peu comme un retour à la maison. Même si le Palais Royal est un écrin extraordinairement prestigieux, la proximité avec le public au Michel est assez inégalable. Je retrouve aussi ses équipes, auxquelles je suis très
attaché.

Après Turing, il y a eu l’excellente Maison du loup, et tout récemment Le Secret des secrets. Peux-tu nous en dire plus sur cette nouvelle création ?

Alors que j’étais en tournée, je suis tombé sur un article du Midi Libre intitulé “On a décrypté la recette de la pierre philosophale”. Bien sûr, le verbe décrypter a trouvé un écho fort en moi… et puis la pierre philosophale, c’est un thème que j’ai toujours adoré. J’ai en effet toujours été attiré par la science-fiction et plus largement par la symbolique et l’ésotérisme. En lisant cet article, j’ai immédiatement eu, comme avec Turing, l’instinct de l’adapter au théâtre.

De quoi traite cette pièce ?

Elle s’inspire du sujet de ce fameux article : dans le cadre de son doctorat, une jeune chercheuse américaine, Megan Piorko, a découvert un petit carnet datant du XVIIème siècle à la British Library qui contient une recette codée de la pierre philosophale. J’ai contacté Megan, que j’ai rencontrée à Londres et qui m’a montré le fameux carnet. Avec son accord, je me suis ensuite lancé dans l’écriture d’une pièce pour quatre jeunes comédiens. L’histoire se déroule entre deux époques – au XVIIème siècle et de nos jours, et raconte une véritable chasse aux trésors. C’est un récit d’aventure qui est aussi, plus symboliquement, un récit initiatique.

Cette pièce est votre projet en tant que metteur en scène ?

Oui, cela a été un défi enthousiasmant ! Je crois que mon expérience d’auteur a guidé le metteur en scène débutant que je suis, tout comme mon expérience d’acteur avait guidé mes premiers pas d’auteur avec Turing. Il a toutefois fallu beaucoup apprendre et expérimenter dans chaque poste : du décor à la vidéo, en passant par la lumière et la musique, c’était passionnant. Pour cette première expérience, je me suis entouré de personnes que je connais bien et en qui j’ai une entière confiance. Je dois en tout cas avouer que j’ai été saisi par l’ébullition qu’implique ce rôle : à quelques jours de la première, on te pose près de 200 questions par jour, auxquelles il faut répondre avec aplomb, en masquant ses éventuels doutes !

Entre La Machine de Turing et Le Secret des secrets inspirée des travaux d’une chercheuse, vous semblez attiré par la science… Qu’y a-t-il de scientifique chez vous ?

C’est vrai que ma sensibilité littéraire et artistique coexiste avec une vraie rigueur. Je suis très méticuleux et organisé, notamment dans ma façon d’écrire. J’aime aussi me livrer à des recherches approfondies pour nourrir mon travail… c’est peut-être là que se cache mon côté scientifique.

Avez-vous de nouvelles envies de création ?

Jusqu’ici, le réel a été une source d’inspiration pour mon travail, même s’il requiert systématiquement une part d’interprétation et d’invention. Si je devais me lancer un défi pour la prochaine création, ce serait qu’elle soit totalement originale et ne s’appuie pas sur des faits historiques. J’ai déjà une idée, inspirée de ma propre expérience, mais il est un peu tôt pour en parler.

Terminons avec une question symbolique : hormis jouer sa pièce, que peut-on souhaiter faire 1000 fois ?

On devrait pouvoir répéter 1000 fois “je t’aime” à quelqu’un, sans doute !

Dès le 20 août, au Théâtre Michel