CYRIL ETESSE ET ANTONY VINCENT
Une Grande Vadrouille désopilante « Les pieds nus dans la neige »
La comédie-hommage à Louis de Funès jouée par l’irrésistible duo formé par Cyril Etesse et Antony Vincent laisse la salle de l’Alhambra hilare, et un peu nostalgique aussi.
La côte de popularité du président de la République, Louis de Salluste, s’effondre tandis que le peuple s’enlise dans une extrême pauvreté durant un hiver particulièrement rigoureux. Pour tenter de redorer son image, ce président engage un jeune conseiller en communication, le sémillant Adrien Gensac, qui devient vite plus populaire que lui. Il faut dire qu’il ne manque pas d’atouts…
Dialogues et situations désopilantes s’enchaînent, ponctués d’éclats de rire.
C’est Cyril Etesse, comédien humoriste admirateur de Louis de Funès révélé par l’émission télévisée de Laurent Ruquier On n’demande qu’à en rire sur France 2 qui a concocté cette comédie originale. Les clins d’œil savoureux aux films cultes de Louis de Funès comme à l’actualité politique font mouche. Cyril a choisi Antony Vincent, l’un des personnages principaux de la série En Coloc diffusée sur TF1, pour former un duo d’une rare complicité.
Vous quittez tous deux le seul en scène pour cette aventure originale en duo. Comment avez-vous acquis cette complicité jubilatoire, cette alchimie communicative qui déclenche les rires des spectateurs ? Quels plaisirs nouveaux tirez-vous tous deux de ce jeu en tandem ?
Cyril Etesse : En ce qui me concerne, je voulais jouer une comédie depuis quelques temps déjà. Je connaissais Antony depuis une dizaine d’années et on avait sympathisé sur des plateaux d’humour. Il correspondait à ce que je cherchais pour le rôle du conseiller et c’est naturellement que je lui ai proposé de jouer avec moi. On a une affinité naturelle dans la vie qui se répercute dans la pièce justement. J’étais à peu près sûr de ça. La complicité est d’autant plus forte que le spectacle est maintenant rôdé, du coup on s’amuse beaucoup et improvise. Pour que ça fonctionne il faut qu’on ait une vraie amitié quasi fraternelle qui soit ressentie par les gens. C’est un atout qui nous porte à chaque représentation et il y a du coup un vrai plaisir à jouer à deux.
Antony Vincent : Avec Cyril, ça fait maintenant dix ans qu’on se connaît, donc la complicité qu’on a sur scène a eu le temps de s’installer, puis le fait que l’on s’entende bien dans la vie joue beaucoup également.
Ça reste un exercice différent que d’être seul sur scène. Moi je trouve ça hyper cool d’être à deux sur scène, on peut se faire rire, se tendre des pièges, c’est drôle et ça permet aussi de casser une certaine routine qui peut s’installer…
Cyril, nourri dès l’enfance du jeu de votre acteur fétiche, vous avez créé avec cette comédie une partition que Louis de Funès aurait pu s’approprier. Comment a infusé en vous ce mimétisme bluffant, gestuelle et tics, mimiques et répliques ?
Je crois que quand on aime à ce point un acteur, et qu’on l’imite depuis tout petit, on s’approprie instinctivement son style. C’est devenu naturel, et il m’arrive même de sortir des répliques de De Funès dans la vie. Je n’ai plus l’impression de forcer ou d’imiter. J’ai tellement vu et revu ses films que je connais par cœur la musicalité qui était la sienne et ça me permet, je crois, d’être juste dans l’hommage sans que les gens aient l’impression de voir une imitation classique comme on en a beaucoup vu sur Louis de Funès.
Bourvil, Galabru, Montand, Préboist ont formé des duos mythiques avec le grand Louis; Antony Vincent, est-ce facile de donner la réplique à un si encombrant-remuant acolyte?
Oui c’est facile parce que je le connais très bien, donc je sais comment faire. Après c’est vrai qu’il prend de la place sur scène, de par son talent. Donc au début ça a été à moi aussi de m’imposer face à lui et de faire en sorte qu’il ne me mange pas pour qu’on soit ensemble sur le même tempo. Je pense avoir réussi, et c’est ce qui fait notre force aujourd’hui sur scène !
Votre dessein est de proposer du léger, d’inviter les spectateurs à s’amuser. Il se trouve cependant que le sujet, satire du pouvoir en général, résonne avec une lourde actualité. Votre pièce-caricature aurait-elle été rattrapée par l’actualité ?
C’est exactement ça. Au tout début, j’avais commencé une satire politique dans laquelle le personnage de Louis de Funès s’est greffé. Le fait d’imiter De Funès, qui a beaucoup joué des hommes de pouvoir au cinéma, et de le placer dans un rôle de président imbu et malhonnête, a grandement facilité l’écriture et m’a permis d’accentuer les clins d’œil politiques. L’avantage de la pièce est qu’elle peut s’adapter à l’actu et fatalement nous avons rajouté des petites allusions au fil du temps (Benalla, le conflit en Ukraine…). Ça amuse d’autant le public et ça nous permet d’avoir une comédie à la fois « vintage » et totalement moderne. L’impopularité actuelle de Mr Macron nous a rattrapé aussi. On compose avec. Le public adore parce qu’il sent que la pièce est retravaillée régulièrement et s’adapte à ce qu’il vit au quotidien.
Personnage intemporel avec ses côtés sombres et insupportables, mais attachant et hilarant, ce « gentil méchant » qui ressemble au français moyen vous ressemble-t-il un peu aussi ?
Cyril : Pas vraiment. Et c’est la force de Louis de Funès. On adore ses personnages que logiquement dans la vie « vraie », on trouverait insupportables. Et sur scène c’est ce que j’adore faire. Le personnage que je joue en One Man show, surexcité et râleur, est totalement dans cet état d’esprit. C’est Laurent Ruquier et le jury de « On n’demande qu’à en rire », l’émission dont j’étais pensionnaire entre 2012 et 2014, qui m’ont fait réaliser cette filiation artistique avec de Funès que je n’avais jamais vraiment ressentie jusque là. Je leur dois cette « révélation » et indirectement, la naissance de ma pièce: assumer la parodie de mon acteur fétiche dans une comédie originale. Je boucle un peu la boucle !
Antony : Ha ha ! oui et non on va dire. Il peut me ressembler pour le côté gentil mais pour le reste non. Je ne suis pas misogyne, ni raciste, ni radin et j’aime les gens.
Cyril, vous dites avoir parfois eu l’impression que de Funès vous soufflait les répliques. Un public familial est au rendez-vous, les rires rassemblent connaisseurs comme néophytes. Votre monstre sacré préféré est-il heureux de partager ce nouveau succès à vos côtés ?
Je l’espère. Un hommage, lorsqu’il est investi et sincère ne devrait que toucher et plaire à l’intéressé… mais je ne le saurai jamais. En revanche, lorsque les gens me disent qu’ils ont eu l’impression de voir revivre Louis de Funès, cela me touche énormément et me fait penser que j’ai réussi mon pari. J’associe pleinement Antony Vincent à ce succès car De Funès était parfait lorsque ses partenaires étaient magistraux et justes dans leur jeu. Nous formons sur scène un duo que je voulais évocateur de ce que de Funès offrait dans ses films avec ses meilleurs partenaires. Et comme Antony se donne à fond, même physiquement, le public est ravi. Je n’ai pas à forcer beaucoup pour que nos répliques fassent mouche et c’est un bonheur chaque soir. Tous ces éléments et le travail formidable de notre producteur qui nous fait confiance depuis le début, sont les clefs du succès de la pièce.
Par Sabine Komsta
À l’Alhambra, jusqu’au 27 mai.