SÉBASTIEN WUST – Maître, vous avez la parole

Entre conférence, spectacle et one man show, Sébastien Wust vous invite à découvrir les dessous de son ancien métier d’avocat. De l’humour, de l’ironie, le tout à un rythme effréné : une pépite à découvrir sans hésiter !

  • Avocat pendant 18 ans et aujourd’hui auteur et interprète : comment s’est opéré le déclic d’un tel changement de vie ?

L’envie de monter sur scène était en moi depuis très longtemps. En 2014, j’ai dû gérer une difficulté professionnelle importante et modifier en quelques mois mes conditions d’exercice. J’ai profité de cette période pour m’accorder un peu de temps libre et trouver une activité pour m’évader. Cette activité, c’était le théâtre. J’ai intégré une troupe, puis une deuxième. Cette passion a pris de plus en plus de place dans ma vie. J’ai passé des auditions, des castings. En 2018, j’ai créé ma compagnie que j’ai rapidement professionnalisée, pour pouvoir porter et diffuser les projets que j’avais envie de défendre. La même année, on m’a offert la possibilité d’écrire et de monter seul sur scène quelques minutes dans le cadre d’une soirée au théâtre du Gymnase à Marseille. Ce fut le second déclic. Dans la foulée, je me suis mis à l’écriture d’un seul en scène, et logiquement, comme pour dresser un pont entre mes deux activités, c’est sur la profession d’avocat que j’ai écrit. La mise en scène a débuté en 2019 et le spectacle Maître, vous avez la parole est né, après une longue résidence due à la pandémie, le 13 juin 2021 à Aix-en-Provence.

  • Dans votre spectacle vous abordez justement votre ancienne carrière : ce spectacle déconstruit-il les clichés sur les avocats ?

J’ai envie de vous dire : c’est justement le but ! La profession d’avocat, comme d’ailleurs beaucoup de professions juridiques, est largement fantasmée, sans doute à cause du prisme imposé par les fictions télé ou ciné, ou encore les documentaires qui font la part belle aux affaires pénales, en oubliant que l’activité d’avocat est tellement plus large. J’ai commencé à écrire le spectacle en me rappelant cette question qu’on m’a tant de fois posée à l’occasion de repas familiaux ou entre amis : « Mais comment vous faites pour défendre les tueurs d’enfants ? ». Comme si notre quotidien était rythmé par la seule défense de dossiers monstrueux. Il suffisait ensuite de dérouler le fil des clichés : « les avocats connaissent tout le droit », « les avocats sont tous copains », etc. Alors oui, l’objectif était bien de déconstruire plusieurs clichés sur les avocats, mais de le faire sans prétention, en prenant garde de ne pas être pompeux dans le propos. On peut faire passer beaucoup de choses avec humour. C’est tellement plus agréable pour le spectateur, et pour le comédien. En résumé, je voulais parler d’une chose sérieuse, la justice, mais sans me prendre au sérieux.

  • Quelle a été votre méthode pour écrire ce seul en scène ?

J’ai d’abord écrit sketch par sketch, m’attaquant à chaque fois à un cliché différent. Et puis, j’ai voulu créer du lien. Je voulais embarquer le spectateur dans une histoire, dans un univers, et pas seulement superposer des vannes. C’est à ce moment-là que j’ai écrit toute une brochette de personnages, et que j’ai imaginé le contexte du spectacle : une salle d’audience. C’est pour cela que Maître, vous avez la parole est un seul en scène, à mi-chemin entre le théâtre et le stand-up. L’avocat qui monte sur scène est un personnage. Il arrive dans une salle d’audience et se rend compte que le Tribunal est en retard. Alors, il met à profit ce temps d’attente pour échanger avec le public du spectacle qui pour l’occasion, est le public de la salle d’audience. Ainsi, au-delà des clichés combattus et de l’humour, on attend le Tribunal avec cet avocat, et on en profite pour découvrir un peu son quotidien et par son intermédiaire, celui de nombreux avocats.

  • Quel public est le plus difficile à convaincre : les jurés ou les spectateurs ?

Les exercices sont tellement différents qu’il est difficile de répondre à la question. Quand je monte sur scène, c’est pour partager des émotions, qu’il s’agisse d’humour ou de choses plus graves. Et je le fais avec un texte qui a été répété de nombreuses fois. Sauf les moments d’improvisation, c’est le travail de répétition et de rodage qui permet de rendre le spectacle de plus en plus efficace. Une audience devant un tribunal, vous n’en avez qu’une. Votre plaidoirie, même si vous l’avez travaillée, vous ne l’avez pas apprise par cœur. En tout cas, moi, je ne l’ai jamais fait, car j’ai toujours voulu pouvoir m’adapter à ce que l’audience pouvait apporter. Vous devez aussi gérer toute la charge émotionnelle du procès pour vos clients. La tension est très particulière. Et devant les juges, si j’ai pu passer de la colère à l’indignation, de l’ironie au discours technique, je n’ai jamais vraiment interprété un personnage, à la différence de la scène. Ce qui réunit toutefois les deux activités, c’est le travail. Vous ne pouvez pas espérer convaincre, un spectateur ou un juge, sans travail.

  • Qui sont vos modèles en matière d’humour et/ou de comédie ?

Je suis admiratif du travail d’écriture et sur scène d’Alexandre Astier, Jérémy Ferrari et Alex Vizorek. Ils s’attaquent à des sujets de fond (la musique, la médecine, l’art…) et utilisent l’humour pour informer, parfois révéler. J’aime quand le spectacle d’humour est aussi un lieu où l’on s’interroge. Avec beaucoup d’humilité, je poursuis cet objectif avec le seul en scène.

  • Des projets futurs ?

Déjà, faire en sorte de donner une belle vie à Maître, vous avez la parole. Pour le reste, on verra bien ce que l’avenir me réserve (sourire).

THÉÂTRE BO, le 19 mai. THÉÂTRE PIXEL AVIGNON, du 7 au 30 juillet