VERY MATH TRIP

Interview avec le magicien des mathématiques, Manu Houdart

© Gilles Lemoine

Depuis près de trois ans, ce professeur de maths reconverti en showman fait le tour de la France avec son spectacle. Son but ? Vous apporter une approche décomplexée des mathématiques, celle que vous auriez voulu apprendre !

Les mathématiques doivent sûrement être une vocation pour leur consacrer un seul en scène, que vous appelez votre One Math Show. Pouvez-vous nous parler de votre parcours, de votre formation ?

Bien sûr ! J’ai d’abord été prof de maths en Belgique, c’est mon métier de base, que j’ai exercé pendant presque 15 ans. J’adorais ça ! Parallèlement, j’ai toujours fait des actions de vulgarisation des mathématiques. C’est ça qui, peu à peu, m’a amené à vouloir aller encore plus loin. Mais je n’avais pas j’imaginé qu’un jour je quitterais ma classe ! Ce n’est pas un changement si radical que ça, dans le sens où une classe est déjà une salle de spectacle, vous voyez ? J’ai toujours vu le
métier d’enseignant comme un métier d’artiste. D’ailleurs, il y a beaucoup d’enseignants qui deviennent artistes ; la seule différence, c’est qu’en général ça n’a rien à voir avec leur matière ! Je pense que je suis un des rares à avoir associé ma discipline au fait d’être sur scène.

Il y a également un livre, Very Math Trip, que vous avez publié en 2019 chez Flammarion et qui a obtenu le Prix Tangente en 2020. Qu’y trouve-t-on et en avez-vous traduit l’essence sur scène ?

Le spectacle n’est pas issu du livre, d’ailleurs les deux sont sortis en même temps. Moi, ce que je suis, aujourd’hui, c’est un vulgarisateur des mathématiques : j’essaye de faire savoir par tous les moyens possibles qu’elles peuvent être amusantes. J’étais déjà sur le projet du spectacle quand ça s’est su et que Flammarion m’a contacté pour écrire. Bien sûr, il y a des intersections communes entre les deux mais le livre, ce n’est pas le spectacle. C’est juste une manière différente de toucher des publics différents, car le sujet n’est pas traité de la même façon à l’oral qu’à l’écrit. Il y a tant de possibilités qu’il y a des sujets que je n’ai pas du tout évoqués dans le spectacle alors que j’en parle dans le livre, et vice-versa. C’est dommage que je ne sache pas chanter, sinon j’aurais fait une chanson ! Il y a tellement de manières de toucher le public…

Les mathématiques sont une matière très clivante, on a tendance à diviser les élèves entre les bons et les mauvais, avec rarement un juste milieu… Est-ce que c’est une vérité que vous retrouvez dans votre public ?

Oui ! Malheureusement, je dis toujours que les mathématiques souffrent de leur image : elles sont beaucoup plus méconnues que mal-aimées. Je comprends très bien quand on dit que c’est un sujet clivant, car elles ne le sont pas en elles-mêmes, mais on les a rendues clivantes. Pour un tas de raisons, on classe les très jeunes : « Toi tu es bon, toi tu ne seras pas bon, toi tu feras autre chose » etc. Or, ce qui fascine le public, c’est de se dire « Mais bon sang, si on m’avait dit ça, je n’y avais pas pensé… ». C’est un spectacle très interactif et je pense que c’est une des clefs de son succès !

Il faut certainement avoir une pédagogie bien en place pour captiver l’attention de ceux qui n’ont pas la bosse des maths, et ne pas ennuyer ceux qui l’ont….

Ça, c’est la grande difficulté ! C’est faire le grand écart tous les soirs entre ceux qui viennent parce qu’ils adorent les mathématiques, et ceux qu’on a emmenés de force (rires). On réussit le défi, car il faut rendre à César ce qui est à César, ou plutôt rendre à Thomas ce qui est à Thomas… Thomas Le Douarec est mon metteur en scène. C’est un touche-à-tout, il
a déjà eu plusieurs articles dans votre magazine avec Le Portrait de Dorian Grey qui a cartonné, des comédies musicales, plusieurs nominations aux Molières… C’est une grande chance, c’est inespéré pour moi de l’avoir rencontré. Tout de suite, il m’a dit que ce qui l’intéressait, ce sont des
projets différents, et qu’il n’avait jamais imaginé qu’on pouvait mettre les mathématiques au théâtre. Ça l’a séduit, et
grâce à son talent, on est arrivés à un spectacle divertissant autour de ce sujet. Divertissant et intelligent !

Si vous aviez un conseil à donner à ceux que vous appelez les traumathisés, quel serait-il ?

De venir ! De venir pour justement découvrir, être peut-être surpris par des choses étonnantes autour des mathématiques. La meilleure opinion est celle qu’on peut se faire soi-même ! Et puis, message aux parents : emmenez les
enfants. Connaissant tous les problèmes en maths, ce spectacle va probablement vous faire économiser des milliers d’euros en cours particuliers et en souffrance (rires). C’est finalement un investissement très rentable, pour le prix d’une place de théâtre. Ça en vaut la peine !

Des projets pour cette nouvelle année 2024 ?

Je serai tous les dimanches au Lucernaire, à partir du 14 janvier. Il y aura aussi la millième représentation, que l’on va fêter à une date spéciale et à un endroit spécial : le 16 mai, au Grand Rex, à 20h ! Vous pouvez retrouver toutes mes informations sur mon site internet (verymathtrip.com),
car je serai en tournée dans toute la France avec des passages par Bordeaux, Toulouse, l’Alsace, puis au festival d’Avignon pour la cinquième fois !

Actuellement au Lucernaire

Par Mina Espitalier