CHIRAC

Jacques Chirac est peut-être le dernier Président à nous rappeler une époque où les hommes politiques avaient encore droit à leur jardin secret. La pièce de Dominique Gosset et Géraud Bénech, naviguant entre vie privée et publique, gravité et humour, retrace le parcours de cet homme atypique.Marc Chouppart habite ce personnage singulier,mis en scène par Géraud Bénech. L’acteur et le coauteur de la pièce nous confient leur vision de ce spectacle surprenant.

INTERVIEW DE MARC CHOUPPART ET GÉRAUD BÉNECH

Quel est le secret pour incarner Jacques Chirac à la scène ?

Marc Chouppart : J’ai étudié énormément d’archives et j’ai tout observé : son corps, ses mouvements, sa diction… dans des dizaines de débats et de discours. Chirac, avant tout, c’est un petit-fils d’instituteur qui, quand il parle, met l’accent sur les liaisons. Il a dû faire de nombreuses dictées dans sa jeunesse ! Je ne fais pas de l’imitation : j’essaie de l’incarner le plus possible, même si maintenant je m’amuse à reprendre certaines mimiques.
Géraud Bénech : Pour mettre en scène Chirac, il y a plusieurs aspects importants : vocal et gestuel notamment. Sans être dans l’imitation, il faut faire un vrai travail pour se rapprocher. L’incarnation physique échappe aussi à une caricature. Le travail en finesse de l’acteur Marc Chouppart rend la ressemblance physique troublante, surtout sous certains profils. Même ses partenaires, Fabienne Galloux-Meurisse et Laurence Cordier, sont parfois troublées par cette incarnation !

Ce spectacle est-il politique ou personnel ?

GB : La pièce n’est ni une condamnation de Chirac ni une hagiographie. Il s’agit de découvrir l’être humain derrière le personnage. Nous avons tenté de lui donner de l’empathie, en accord avec une vision commune à l’esprit de la majorité des Français.
MC : La pièce est une fable poétique, pour parler de sa vie. On est bien plus sur une conversation privée et fictive que un exposé politique. La femme qui l’accompagne dans la pièce écrit un livre sur lui. Leurs relations sont tenues secrètes jusqu’à la fin de la pièce, où les liens entre les personnages finissent par se resserrer.

Comment se souvient-on de Chirac en France ?

MC : On retient peut-être moins son bilan politique que l’image d’un Président proche des gens et de leurs réalités. Il est le dernier Président à bénéficier d’une vie secrète, avant que la politique passe dans l’ère de la communication. Il a disparu en laissant derrière lui le souvenir d’un homme bourré de contradictions, ce qui en fait un personnage très intéressant, par exemple pour une pièce de théâtre.
GB :Chirac est le dernier président d’une France qui croyait encore en elle. C’est la nostalgie d’un pays plus soudé, d’une sorte de paradis perdu. L’image de Chirac a souvent été écornée ou moquée avec des répliques comme  » dix minutes douche comprise » qui l’ont dépeint comme une sorte de roi bâfreur, bon vivant, trousseur. Au fond, Chirac était un ovni politique, et il évoque à présent la nostalgie d’une France plus unie, encore consciente de sa grandeur.

Comment la pièce a-t-elle été reçue par le public ?

GB : Les spectateurs qui sont venus voir la pièce ont été assez émus. Quand un homme politique meurt, c’est une partie de nous-mêmes qui part avec lui. L’idée de retrouver cette partie perdue et de revivre une époque nous donne des émotions. La jeune génération aussi est intriguée par le personnage Chirac, bien que ne l’ayant pas connu. Les jeunes voient en lui un personnage attachant.
MC : La pièce a reçu un accueil remarquable à sa création, l’été dernier. C’est bien pour cela que nous la reprenons. Un ancien majordome qui a longtemps travaillé pour le Président est venu voir la pièce, et s’est ensuite confié à moi : il avait l’impression d’avoir revu Chirac en chair et en os. D’autres anciens collaborateurs du Président m’ont dit avoir été très émus par le spectacle. Respecter la vérité du personnage et susciter l’émotion… c’est le plus beau compliment que l’on puisse nous faire.

Par Vincent Touveneau