Marie Vincent et Virginie Lemoine

Après son succès en 2004, Comme en 14 fait son grand retour cet hiver au théâtre de la Bruyère. L’occasion pour Marie Vincent de retrouver le rôle qui lui a valu le Molière de la Révélation théâtrale féminine 15 ans plus tôt, et pour Virginie Lemoine d’en incarner un tout nouveau. Rencontre.

Marie, quelle émotion de replonger dans l’aventure Comme un 14, 15 ans plus tard ?

Marie : c’est magnifique ! et c’est surtout très différent : la distribution a changé et Yves pignot réinvente la mise en scène. J’ai donc l’impression de m’engager dans un nouveau travail…avec ce passé chargé de joie, de récompenses, qui reste sous-jacent, en sédiment. Que du positif donc !

Vous étiez déjà réunies sur scène dans Piège Mortel en 2017. Comment s’est déroulée la préparation de ce nouveau projet commun ?

Virginie : Nous nous sommes rencontrées dans Piège Mortel et nous sommes aimées aussitôt ! Quand Yves Pignot nous a réunies de nouveau, nous avons sauté en l’air comme des fillettes (rires). Yves Change sa mise en scène et Marie compose différemment. Il ne s’agit donc pas d’un terrain que certains découvrent et d’autres visitent en maître : nous partons dans cette aventure tous en même temps, main dans la main.

Marie : C’est un énorme bonheur de partager de nouveau la scène avec Virginie. Nous avons tout de suite développé une immense complicité… Pour le travail sur la pièce, j’ai tâché d’oublier le texte et mon personnage, Margueritte, pour lui apporter d’autres facettes que l’âge apporte, c’est-à-dire une forme d’autorité plus aboutie, une empathie plus cassée, moins démonstrative. Finalement, je visite Marguerite comme je visiterais une vieille amie, mais il faut encore me la réapproprier.

Marie, Virginie, vous incarnez respectivement une infirmière à l’arrière et une comtesse ancrée dans ses traditions en 1917. Qu’est-ce qui vous a le plus touché dans ces personnages ?

Marie : C’est son sens des autres. Marguerite est dans le devoir, dans l’ordre établi. Moi qui suis plutôt une rebelle et une fantaisiste (rire), ça m’est assez étranger. elle n’entend pas tout ce qui a trait au pacifisme et au travail des femmes pour que cette guerre s’arrête : elle est là « pour faire tourner la machine », pas pour avoir des idées. C’est cette forme de soumission aux idées et au pouvoir que je dois donc défendre à travers ce personnage.

Virginie : Mon personnage ressemble aux femmes de l’époque. c’est une femme endolorie dont on dit qu’elle est très verticale, mais qui n’a pas vraiment le choix d’être autrement. Veuve de guerre, elle s’occupe de seule de ses deux fils. L’un est gravement autiste, et l’aîné qu’elle adore sera bientôt amputé. J’adore ce personnage qui tient debout comme il peut… De toutes façons j’adore toujours mes personnages. Si on ne les aime pas on ne peut pas les incarner !

En Novembre dernier, on commémorait les 100 ans de l’armistice et rendait hommage aux soldats morts au combat. Comme un 14, de son côté, raconte la guerre hors des tranchées : celle vécue par les femmes…

Virginie : Tous les aspects de la guerre sont importants, mais en effet cela fait peu de temps que l’on évoque le rôle considérable tenu par les femmes. Des pièces comme Les filles aux mains jaunes racontent le travail effroyable des femmes dans les usines d’obus. Avec Comme en 14, restituer la violence de cette guerre à travers des femmes qui se démènent dans un hôpital de fortune est évidemment intéressant.

Marie : La présence des femmes est capitale. À la fois mères, marraines de guerre, infirmières, et travailleuses dans les usines, elles se démultiplient. Surtout, elles réagissent et engagent un mouvement pacifiste fondamental. Non seulement je suis heureuse d’incarner ce mouvement, mais je le revendique ! On est à la genèse de la libération de la femme. elles commencent seulement à parler de leur envie de droit de vote, de compte en banque qui n’appartienne pas à leur père ou leur mari.

Qu’est-ce que vous nous préparez d’autre ?

Virginie : Je travaille en ce moment sur Suite française avec Stéphane Laporte, qui se jouera à la rentrée de septembre à la Bruyère. Je serai aussi au festival d’Avignon avec une adaptation du roman Quand je serais grand je serai Nana Moskouri. Je vais également mettre en scène Nos années parallèles, roman de stephane corbin.

Marie : 2019 sera une année de tournage, même si je pense ne pas priver du théâtre. si je trouve mon compte et mon bonheur devant la caméra, je ne pourrais pas me passer longtemps des planches. rien ne vaut un lever de rideau et le frémissement de la salle (rire) !

Un coup de cœur ?

Marie : Le magnifique La femme qui ne vieillissait pas de Grégoire Delacourt, qui évoque le temps qui passe, et le fait d’accepter l’âge tel qu’il vient. C’est un livre superbement écrit, et dont l’auteur est résolument amoureux des femmes, cela se sent !

Virginie : Le Ménagerie de Verre avec Christiana Reali au théâtre de poche est formidable ! avec une superbe mise en scène de Charlotte Rondelez, les quatre acteurs sont remarquables. Christiana est dans le plein épanouissement de son art. Ophelia Kolb, qui incarne la jeune fille infirme est elle aussi extraordinaire. C’est une grande réussite.

Par Sophie Geneste

A partir du 22 janvier, au théâtre de La Bruyère.