Anne Parillaud, premiers pas sur scène
Anne Parillaud, qui avait si longtemps boudé la coulisse, s’est finalement décidée à monter sur scène avec “ Le Lauréat ”. Elle interprète le rôle mythique de Mrs Robinson, cette quadragénaire fatale qui attrape dans ses filets un jeune premier, promis à une brillante carrière sans histoire. Elle fréquente ses parents dans des dîners mondains, il a l’âge de sa fille. Un personnage qui envoie allègrement valser les normes bourgeoises et les préconçus moraux. Tout comme elle refuse les rôles préétablis, en allant toujours là on ne l’attend pas.
Elle est une de ces actrices à la filmographie aussi longue qu’audacieuse. Elle a déjà joué dans plus de quarante films et côtoyé les plus grands: Luc Besson, Alain Delon et Léonardo Di Caprio pour n’en citer que trois. En 1991, elle reçoit le César de la meilleure actrice pour son rôle dans “Nikita” et tourne ensuite à Hollywood, où une jolie carrière américaine l’attend. Une notoriété soudaine qui ne l’a jamais empêchée de se risquer à un cinéma plus indépendant, loin des sentiers battus. Vampirisée par l’écriture d’un roman, ses apparitions au cinéma se sont faites plus rares. L’ouvrage étant presque terminé, elle était de nouveau disponible et c’est le théâtre Montparnasse qu’elle a choisi pour relever un nouveau défi.
Pourquoi avoir choisi de monter sur les planches avec Le Lauréat ?
J’avais besoin d’une mise en abime, de retrouver la peur, le danger. De me retrouver dans une zone d’inconfort. Le théâtre me permettait de découvrir un univers jusque là presque inconnu et de me procurer des émotions et des sensations nouvelles et différentes. De relever le défi d’incarner ce personnage si complexe, paradoxal, difficile et irrévérencieux qu’est Mrs Robinson. Derrière l’indifférence, l’impertinence et l’assurance se cache une femme désenchantée, agitée de blessures et de failles. La gageur était de recréer le personnage magnifiquement interprété par Anne Bancroft dans le film sans en perdre l’essence mais sans l’imiter non plus. C’est beaucoup de challenges ! Oui, mais des challenges qui m’ont inspirée et que j’ai eu envie de tenter avec Stéphane Cottin, le metteur en scène. Il a su me procurer une entière confiance en lui et en son projet. J’ai partagé son approche de la pièce et du personnage dans une osmose absolue. J’ai senti un véritable directeur d’acteur, ce dont j’avais absolument besoin puisque je suis novice au théâtre.
Maintenant que les premières représentations ont commencé, comment vous sentez-vous ? Le trac est-il toujours présent ?
J’ai toujours le trac mais il est différent au fur et à mesure des représentations. Au bout de trois semaines, on a le retour des critiques, des spectateurs et des internautes, ce qui nous permet de voir comment la pièce est reçue. Par bonheur le spectacle plait beaucoup et on est porté par cette reconnaissance. Mais même avec elle, à chaque fois que j’arrive dans les coulisses, la peur s’empare de moi et le trac remonte. Entre la coulisse et le passage sur scène, il y a cinq pas. Cinq pas fondamentaux où le trac se transforme en jouissance. Et d’un seul coup, un phénomène inexplicable s’opère face au public ! Mrs Robinson, votre personnage, est une femme forte, consciente de son charme et de son pouvoir de séduction.
Comment l’analysez-vous ? Vous retrouvez-vous en elle ?
Ce que vous décrivez de Mrs Robinson est vrai mais c’est sur des résonnances plus profondes que je me suis retrouvée en elle. La séduction est inhérente et nécessaire au personnage mais c’est surtout sa liberté et sa rébellion qui résonnent en moi. C’est un être transgressif face à des codes et des normes de société beaucoup trop étriqués pour l’esprit libre qu’elle était. Elle est sans scrupule devant l’absurdité du monde qui l’entoure et le regard des autres n’a pas ou plus d’importance pour elle. C’est quelque chose que je pense avoir en commun avec elle. Je suis souvent là où on ne m’attend pas. Je ne suis pas et ne fais pas forcément ce qu’il faudrait. Je fais les choses sans calcul, sans stratégie, sans me soucier de la retombée de mes actes.
Le film était très avant-gardiste pour l’époque, mais la question de la morale bourgeoise et de son poids castrateur reste bien d’actualité en 2018. Êtes-vous d’accord ?
Le film était visionnaire, ce qui rend la pièce totalement actuelle et fait écho à la prise de la parole des femmes et la libération de certains tabous que nous traversons aujourd’hui.
Quel est votre plus grand souvenir au théâtre ? Une actrice et un acteur qui vous a marqué ? Un personnage qui vous inspire ?
Je ne sais pas si c’est mon plus grand souvenir mais c’est mon plus récent. Guillaume Galienne dans « Phèdre ». Je trouve tellement audacieux qu’il ait interprété un personnage féminin et qu’il se sente si à l’aise, au point de nous faire oublier que c’est homme. J’admire aussi beaucoup Niels Arestrup. Tous deux sont des acteurs uniques, au charisme vertigineux. C’est important pour un acteur d’être unique et non interchangeable. C’est en ça, selon moi, qu’un acteur est un créateur et pas seulement un interprète.
Le Lauréat au théâtre Montparnasse
Propos recueillis par Lola Boudreaux.