Anne Peko, dans la peau de Barbara

© Laurent Zabulon

Barbara est sûrement une des interprètes françaises les plus influentes de sa génération. Elle a déjà inspiré un film à Mathieu Amalric, un spectacle à Gérard Depardieu ou des reprises à Patrick Bruel. La Dame en noir est aujourd’hui de nouveau célébrée au Théâtre des Variétés, où Anne Peko, subtile et flamboyante, lui rend un vibrant hommage.

Vous chantez tous les soirs Barbara. A-t-il été difficile de s’attaquer à un tel monument de la chanson française ?

Oui et non à la fois ! Oui parce que c’est une icône, une personnalité très particulière, avec un univers personnel fort, singulier. D’un point de vue technique ça n’a pas été simple car elle chantait souvent en demi-teintes, avec beaucoup de « portamenti » (mélodies à intervalles courts avec beaucoup de de modulations dans une même chanson, ndlr). Et non, parce que derrière cela, il y a une femme qui chante, une femme blessée, une femme amoureuse, une femme vivante, engagée. Ce qu’elle nous lègue est universel et résonne en chacun de nous. Elle nous est donc très familière. Le fait d’être comédienne m’a aidée à prendre une distance tout en me glissant dans sa peau.

Pourquoi avoir choisi de vous glisser précisément dans la peau de Barbara ?

Mes origines slaves, nos timbres de voix par moments, la beauté de ses textes, sa poésie et le fait de découvrir que tout son répertoire n’était pas si triste et linéaire, qu’il y avait de la légèreté, de la fantaisie, de la drôlerie, de l’émotion forcément… Tout cela m’a plu et m’a donné envie d’explorer son univers en y apportant mon propre éclairage. Je me suis glissée à côté d’elle, comme une sœur de cœur… J’ai mis une robe rouge et non pas noire, j’ai pris une distance sensible de façon à mieux la respecter et ne pas la trahir.

Comment la décririez-vous ? Qu’est-ce qui fait le mythe selon vous ?

Le public a toujours besoin d’un mythe. Et Barbara a touché nos âmes. Ses chansons sont dans notre patrimoine, dans nos cœurs et dans notre inconscient. Il y a de très grandes chansons fédératrices sur la réparation et le pardon comme Göttingen, la confession ou l’aveu sublime comme Nantes. Barbara aborde la mythologie Marienbad, le conte de fées, la blessure sublimée dans L’Aigle noir. Elle a créé de la beauté à partir d’une souffrance, et c’est ce qui rend ses chansons mythiques.

© Henri Pinhas

Vos chansons préférées de Barbara ?

Ma plus belle histoire d’amour, Vienne, Drouot, Marienbad… et tant d’autres aussi. Tout est beau.

La plus belle reprise ?

« Ma plus belle histoire d’amour », parce qu’elle est pour le public avant tout.

Et à l’heure d’aujourd’hui, quels sont les artistes de la scène française qui vous inspirent ?

J’aime beaucoup Art Mengo, Higelin, Mathieu Boogaerts, Catherine Ringer, Jeanne Cherhal, Véronique Sanson, Le Forestier, Miossec, Mylène Farmer, Camille, Emily Loizeau… sans oublier nos disparus Nougaro, Michel Berger, Gainsbourg, Brel, Piaf…

Un conseil musical pour nos lecteurs parisiens ?

Écouter de la musique… Elle nous berce, elle nous répare, elle nous construit… Il faut se laisser porter par elle, l’accueillir. La poésie est aussi de la musique. Redécouvrir la poésie, les beaux textes, les alexandrins. Les lire à haute voix, les projeter et entendre ainsi la musique dans sa voix. C’est de la vie, de l’énergie et cela nous accorde avec le monde. Dans les mélodies de Barbara, la valse est très présente. Les ritournelles aussi, avec leur couleur enfantine et ludique. Dans la valse il y a quelque chose d’envoûtant, d‘entêtant. Écoutez la valse, sa pulsation, son balancement et votre corps dansera…

© Henri Pinhas

Théâtre des Variétés