BIG MOTHER
La touche addictive de Mélody Mourey a encore frappé
Succès public, louanges des critiques, reconnaissance de la profession : après « Les Crapauds fous » et « La Course des géants », « Big Mother » confirme le talent fulgurant de Mélody Mourey. Dix nominations aux Molières dont quatre pour « Big Mother », la patte Mélody Mourey fait mouche à chaque représentation : le résultat est toujours jubilatoire.
Percutant et étonnant, inventif et cinématographique, Big Mother met les nerfs des spectateurs à rude épreuve dans une étourdissante zone de turbulences à travers une passionnante quête de vérité. Mélody Mourey embarque le public dans ce thriller sur un sujet d’actualité brûlant, la manipulation de masse sur les réseaux sociaux mettant en péril la démocratie. Les spectateurs tour à tour captivés et amusés, interrogés et retournés, en redemandent.
« JE ME SUIS AUSSI INSPIREE DES GRANDS THRILLERS JOURNALISTIQUES QUE J’ADORE : LES HOMMES DU PRESIDENT, L’AFFAIRE PÉLICAN, SPOTLIGHT. »
Après les Crapauds fous et la 2ème Guerre mondiale, La Course des géants et la conquête spatiale, Big Mother alerte sur les dangers de la manipulation de masse pour la démocratie ; comment choisissez-vous les thèmes de vos créations ?
Les thèmes s’imposent tout seuls : quand je n’arrête pas de penser à un sujet et que tout m’y ramène, je commence à écrire. Pour Les Crapauds fous, j’ai découvert par hasard l’histoire bouleversante de deux médecins polonais ayant sauvé des milliers de vies en mettant au point une incroyable supercherie et j’y ai pensé pendant des mois avant d’écrire la première ligne. Pour La Course des géants, le point de départ était le thème de la réalisation des rêves d’enfant, ce qu’on est prêt à accomplir et à sacrifier pour eux, grâce à quoi ou à qui on y parvient, et la conquête spatiale est apparue comme un contexte parfait pour parler d’ascension sociale, de dépassement des limites. Pour Big Mother, le point de départ vient de l’actualité et des questions qu’elle pose sur l’évolution du rapport à la vérité, à la démocratie, au libre-arbitre. Je me suis inspirée des grands thrillers journalistiques que j’adore : Les Hommes du Président, L’Affaire Pélican, Spotlight.
Vous excellez à divertir, tout en suscitant l’envie de débattre et de se battre. Dans ce thriller haletant et addictif, comment parvenez-vous à doser l’humour mêlé au thème abordé qui peut être inquiétant voire tragique ?
Lorsque les enjeux sont très forts, que les personnages sont en danger de mort, que la démocratie est en péril, l’humour surgit naturellement dans les dialogues, exactement comme dans la vie quand la tension est trop intense et que tout devient prétexte au fou rire. Le fait que les acteurs chantent, dansent, passent d’un personnage à un autre avec une aisance folle, permet aussi d’apporter une fantaisie et une légèreté.
Dans vos trois pièces des héros ordinaires, sorte de colibris-crapauds fous, font leur part en résistant ou en alertant, changeant ainsi le cours de l’Histoire. Ils donnent tous de l’espoir ; l’optimisme est-il votre boussole ?
C’est vrai que dans mes trois spectacles, des personnages idéalises doivent choisir entre leurs intérêts personnels et l’intérêt général, entre leurs idéaux et l’amour, et se débattent pour gérer les conséquences de leurs choix. Dans le fond, je ne suis pas très optimiste je crois : mes personnages ne découvrent pas qu’on peut être heureux dans le monde tel qu’il est, ils résistent simplement comme ils peuvent, et pas toujours de façon très morale, à ce qui leur semble injuste. Je suis peut-être optimiste à l’échelle individuelle et pessimiste à l’échelle collective. Mais je suis contente que mes personnages donnent de l’espoir, c’est ce que j’aime le plus ressentir au théâtre !
Le propos brillant de Big Mother est soutenu par une mise en scène cinématographique remplie de références, de suspens et d’urgence. D’où vient cette marque de fabrique qui vous caractérise ?
J’adore que la mise en scène apporte une émotion supplémentaire, convoque différentes formes d’art, provoque la surprise. Dans Big Mother on change de lieu en un clin d’oeil, passant de Central Park à une salle de rédaction. On change aussi d’époque avec des flashbacks. C’est possible grâce au travail incroyable de tout l’équipe : la musique très cinématographique, les lumières, les vidéos, le décor qui apportent de la fluidité, de la poésie aussi, les costumes sans lesquels on ne pourrait pas croire à l’existence de 30 personnages, et le jeu des six acteurs bien sûr. L’équipe qui a créé ce spectacle est extraordinaire.
Actuellement au Théâtre des Béliers Parisiens.
Par Sabine Komsta