Daniel Russo, « Le rire, c’est quand même un sacré médicament ! »
Dans « Le Crédit », Daniel Russo campe le conseiller d’une grande banque, qui doit conseiller un client (joué par Didier Bénureau) sollicitant un emprunt. Avec cette comédie où les joutes verbales fusent, le jeu se déroule avec talent entre les rires francs du public. Rencontre avec le comédien.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans cette pièce ?
C’est une pièce à rebondissements, avec plusieurs stades dans la comédie que je prends énormément de plaisir à jouer. On ne peut s’attendre à rien et finalement, derrière les apparences, on découvre un monde incroyable, celui de l’être humain et de ses failles. C’est ce qui m’a séduit. Je travaille à nouveau avec Éric civanyan, un metteur en scène avec qui je suis sur la même longueur d’onde quant à la vision du texte et la rigueur du jeu. Et je redécouvre Didier Bénureau, avec qui j’avais joué dans le film Brèves de Comptoir (2014).
Vous jouez le rôle d’un banquier. C’est un personnage qui peut paraître banal…
Au début de la pièce, oui. les mots qu’il prononce sont ceux qu’il donne à tout le monde, ceux du quotidien. Et puis d’un seul coup, tout change. il est d’abord choqué, surpris, puis les rôles vont s’inverser. On se rend compte combien les gens peuvent cacher leurs sentiments profonds. Et qu’on peut paraître heureux, alors qu’on est au bord du précipice. Dans la pièce, les deux personnages sont acculés, mais d’une façon différente. Et malgré leurs différences, ils vont se retrouver dans une humanité bien plus universelle qu’il n’y paraît.
Dans cette pièce, le dominant et le dominé ne sont pas toujours ceux qu’on croit…
Oui ! c’est une pièce qui montre que tout est possible. Il suffit d’ouvrir une porte et tout peut s’inverser dans la vie. cela me parle particulièrement car quand j’ai débuté dans ce métier, cela m’est tombé dessus. comme le client du banquier, je n’avais rien, je ne connaissais personne. Je m’apprêtais à devenir décorateur et je ne voulais pas décevoir mon père. Alors je ne lui ai pas dit que je prenais des cours de théâtre. Le jour où j’ai passé le concours du conservatoire, je n’avais personne pour me donner la réplique. J’ai même demandé à la gardienne ! Elle m’a conseillé de demander à un jeune installé un peu plus loin, « le plus gentil », selon elle. C’était Jacques Villeret.
Vous croyez donc que ce sont ces rencontres imprévues qui bouleversent une vie ?
Complètement. Par hasard, alors que je devais décorer un appartement, j’ai rencontré Robert Lamoureux. Il m’a invité au théâtre et grâce à lui, j’ai eu une révélation, j’ai découvert le théâtre, ce que c’était de faire rire 800 personnes. la vie est faite de rencontres qui nous aident à prendre le bon chemin. On a tous un soleil, il faut le découvrir.
Comment travaille-t-on une comédie à fond social ?
Avec Éric, on se comprend vite. Il me guide sur la manière de dire le texte, les silences, les regards, la manière de me mouvoir. C’est une pièce très bien montée, où le texte est mis en valeur. Pour Didier et moi, c’est un exercice difficile, la tension est palpable et il faut que nous soyons concentrés. Nous devons ralentir ou à l’inverse accélérer selon les réactions du public. Nous sommes sur le fil chaque soir ! Comme le disait Michel Bouquet, les spectateurs sont là pour jouer avec toi, pas pour te voir jouer. Les rires, les soupirs, c’est comme une partition musicale.
Qu’apporte le rire au théâtre ?
Lorsque le public vient me voir à la sortie et me dit : « Monsieur, vous m’avez fait oublier mes soucis », alors j’ai gagné.Il vaut mieux aller au théâtre que d’aller à la pharmacie. le rire, c’est quand même un sacré médicament qui apporte du positif et fait se sentir bien.
Par Nadine Peray.
Théâtre de la Gaîté Montparnasse, jusqu’au 25 mai