DANIEL RUSSO

Entre rire et émotion

Quarante ans de carrière à son actif et Daniel Russo trouve toujours le moyen de nous surprendre. Figure emblématique et familière du cinéma et du théâtre, il nous dévoile une nouvelle facette de son talent dans « Albert & Charlie ». Cette pièce réunit sur scène deux génies du vingtième siècle : Charlie Chaplin et Albert Einstein, et nous fait vivre un moment de théâtre atypique. Dans la peau du plus grand savant de tous les temps, Daniel Russo déborde d’énergie et de poésie. Rencontre avec un comédien passionné et authentique.

Racontez-nous comment le théâtre est entré dans votre vie…

Je sortais de l’École Boulle et je travaillais comme décorateur d’intérieur. Un jour j’ai décoré l’appartement de Robert Lamoureux qui m’a invité au théâtre. Le soir même, je me suis retrouvé au premier rang, et j’ai entendu le public rire aux éclats derrière moi. Ça a été un bouleversement total, un coup de foudre ! Cependant, je souffrais encore de problèmes d’élocution dus à une chute pendant mon adolescence. Pour faire rire les copains j’ai imité Tarzan en sautant d’une liane à une autre, évidemment j’ai raté une liane et ma mâchoire s’est brisée. Ça ne m’a pas empêché de suivre des cours de théâtre en secret. J’ai travaillé comme un fou, un stylo dans la bouche en permanence pour améliorer ma diction. Quand j’ai réussi le Conservatoire National d’Art Dramatique, j’ai annoncé la nouvelle à Robert Lamoureux qui m’a demandé « le vrai ? » avant de s’exclamer « mais tu parles ! ».

« DANS ALBERT & CHARLIE LE SPECTATEUR VA DÉCOUVRIR PLUSIEURS ASPECTS DE LA PERSONNALITÉ D’EINSTEIN, SES JOIES MAIS AUSSI SES PEURS »

Nous avons ri ensemble, nous rappelant que quelques années auparavant, je peinais à prononcer le mot « théâtre ». C’est donc complètement par accident que le théâtre est arrivé dans ma vie !

À l’affiche d’Albert & Charlie, vous incarnez Albert Einstein. On imagine que vous ne vous attendiez pas à jouer un tel personnage un jour…

Pour un comédien, c’est un vrai bonheur de s’aventurer en dehors de ce qu’on a l’habitude de faire, d’être où on ne nous attend pas. C’est un plaisir d’aller vers un rôle tragique, puis de renouer avec la comédie plus tard, d’alterner les genres. Après le succès du film Neuf Mois, on m’a immédiatement catégorisé comme acteur comique. Puis j’ai tourné dans Le Garçon d’orage de Jérôme Foulon, c’est alors qu’on a commencé à faire appel à moi pour des rôles dramatiques. Dans Albert & Charlie, le spectateur va découvrir plusieurs aspects de la personnalité d’Einstein, ses joies mais aussi ses peurs. C’est donc un personnage qui me permet d’explorer différents registres, c’est passionnant !

On connaît tous la carrière d’Albert Einstein et de Charlie Chaplin, ici le spectateur a la sensation grisante d’entrer dans leur intimité…

À travers cette pièce, on découvre des choses tant d’un point de vue historique que personnel. Chaplin expose à Einstein son projet de tourner le film Le dictateur. Faire une comédie sur Hitler, en pleine guerre, c’est complètement fou. Et pourtant, il veut l’aval d’Einstein, qui s’offusque, se met en colère, pour lui c’est inconcevable de faire de l’humour sur un tel sujet. Au fil des dialogues, on en apprend toujours plus sur leurs caractères, sur leurs vies, ce sont deux destins incroyables ! On a même proposé à Einstein de devenir président d’Israël !

Une véritable complicité artistique vous unit avec vos partenaires de jeu…

Ce qui est formidable avec le théâtre, c’est les rencontres qu’on y fait. Je suis toujours en appétit de rencontrer quelqu’un qui d’un seul coup va embellir ma vie. On aime jouer ensemble avec Jean-Pierre Lorit, et ça se sent, notre duo fonctionne merveilleusement bien. Elisa Benizio qui campe le personnage de la gouvernante a un jeu magnifique, d’une incroyable justesse, subtil, tout en retenue. Elle est incroyablement drôle mais sans jamais en faire trop. 

Après quarante ans de carrière, votre enthousiasme et votre plaisir à monter sur scène semblent intacts… 

C’est ma passion, je ne pourrais tout simplement pas vivre sans. Quand je rentre dans un théâtre, mon cœur se met à battre instantanément.

Par Marie-Lys de Cerval.