LAURENT VIEL – L’HOMME FEMME
Un univers magnétique et nostalgique
L’homme femme, le spectacle, que vous présentez tous les mercredis soir au Théâtre Essaïon est un vaporeux mélange des genres, une forme de non-binarité qui vous colle à la peau ?
C’est quelque chose que je ressens depuis longtemps et qui s’est imposé pour ce spectacle. L’évolution de la société sur ces questions à réveiller chez moi un désir profond de me présenter sur scène comme je ne me l’étais jamais vraiment autorisé. En assumant pleinement cette binarité sans chercher à revendiquer quoique ce soit. C’est comme ça, c’est tout. Comme je le chante dans la chanson L’Homme Femme : « de ces deux-là, je suis la somme. Il faudrait trancher, mais pourquoi ? »
Comment est née cette œuvre ?
C’est un spectacle qui a décidé seul de sa création contrairement aux autres spectacles que j’ai pu monter. Habituellement je choisis un thème, un répertoire et après je me lance, alors que là, pas du tout. Pendant cette période du confinement, Isabelle Aichhorn est venue écouter l’album que j’étais en train de réaliser et m’a demandé si je voulais en faire un spectacle, ce qui n’était pas d’actualité. Nous nous sommes donnés un premier rendez-vous pour voir s’il y avait quelque chose à faire, puis nous avons décidé d’un deuxième, puis d’un troisième etc. À chaque étape nous faisions le point pour savoir si nous voulions continuer. Petit à petit s’est imposé à nous un voyage extrêmement profond et intime que je ne soupçonnais pas. Nous nous sommes laissés porter.
Certaines de vos chansons font référence à plusieurs figures qui semblent peupler votre paysage artistique, telles que Sylvie Vartan, Barbara.
Quand j’étais tout petit, Sylvie Vartan représentait pour moi quelque chose de l’ordre du merveilleux ! Lors de ses spectacles, elle était comme la Belle au bois dormant, ça brillait de partout, il y avait des danseurs, des costumes, des décors et plein de paillettes. Cette femme m’a prise dans ses bras sans le savoir pour me consoler et me faire rêver. Quelques années plus tard, Barbara a été une vraie rencontre, une rencontre profonde et bouleversante. Elle aussi m’a prise dans ses bras et m’a donné l’envie d’être un homme qui chante. En fait lorsque que l’on est petit, on s’accroche à des étoiles et pour moi il y avait la blonde Sylvie et la brune Barbara. Mes deux sorcières d’amour. Quant au chevalier D’Éon, c’est un personnage incroyable de l’histoire de France, né en 1728 mort en 1810, ayant passé 49 ans en homme et 33 ans en femme, l’un des plus grands espions de l’époque. Ce parcours fascinant m’a donné envie de monter un spectacle écrit avec Alain Nitchaeff et composé avec Romain Didier.
De qui vous êtes-vous entouré pour réaliser cet album ?
En travaillant sur les arrangements avec Yann Cortella qui connaît aussi bien la musique électronique que la chanson française, nous avons construit un univers musical propice au voyage.
On y trouve deux duos, l’un avec Enzo Enzo et l’autre avec Laurent Stocker (Sociétaire de la Comédie française). Quatre compositions de Romain Didier extraites de deux spectacles que j’ai créés Viel chante d’Éon dit … le Chevalier et Chacun sa Famille ! (spectacle en duo avec Enzo Enzo). Une musique, jamais enregistrée, composée par Barbara et Roland Romanelli, que ce dernier m’a offerte et sur laquelle nous avons posé nos mots, Baltazar et moi-même. Philippe Besson m’a écrit un très beau texte délicat et poignant. Alain Nitchaeff, Pascal Mathieu, Bertrand Soulier, Xavier Lacouture, Michel Hahn ont aussi mis leur plume au service de thèmes que je tenais à aborder. J’ai composé avec Thierry Garcia plusieurs musiques et deux morceaux avec Yann Cortella. On retrouve aussi mes mots sur deux titres, ainsi que ceux de Marcel Proust qui a tenu absolument à faire partie de cette aventure.
Vos titres L’homme femme et Qu’est-ce qu’il y a d’aussi bon ont chacun fait l’objet d’un clip, avec une esthétique particulière. Etait-il important pour vous de faire entrer le public dans votre univers visuel ?
Ces clip sont nés de rencontres artistiques très fortes avec Aléxia Vic et son équipe pour L’Homme Femme et Laetitia Laguzet pour Qu’est-ce qu’il a d’aussi bon ?. Leur univers s’est imposé pour ces 2 chansons comme une évidence. Les vidéos projetées pendant le spectacle sont là aussi pour embarquer le public dans ce voyage intime, dansant, drôle et émouvant et c’est avec Antoine Le Gallo à la réalisation que nous avons trouvé l’univers esthétique du spectacle.
Pour finir, si vous aviez un conseil à donner à nos lecteurs, lequel serait-il ?
N’ayez pas peur de vous rencontrer même si la rencontre peut être difficile et bouleversante. Je suis convaincu du bienfait de cela. Prenez-vous avec force et bienveillance dans vos bras, c’est les seuls qui vous accompagneront jusqu’au bout. Bref, aimez-vous.
Jusqu’au 26 juin, au Théâtre Essaïon