LE CHAUNU SHOW

Quand le dessin en direct fait une comédie percutante et déjantée

Dessinateur de presse et chroniqueur de renom sur l’emblématique canapé rouge de Michel Drucker, Chaunu se révèle être aussi un homme de scène brillant et un conteur hors pair. Son « Chaunu Show » allie la magie du dessin à la performance de l’acteur. Rencontre avec un artiste imprévisible et débordant de talents.

Pour commencer, racontez-nous comment est née votre passion pour le dessin…

Je suis venu au monde sur le tard, je suis le dernier d’une fratrie de cinq enfants. Mon frère aîné est mort très jeune. À peine sorti du ventre de ma mère, j’ai senti qu’il fallait que j’apporte de la légèreté autour de moi, que ma fonction était de faire rire. Dessiner est une façon d’évacuer des douleurs, de se libérer. Le dessin est fédérateur, il attire les gens. Quand on dessine à l’école, on devient vite populaire. Certains se démarquent en jouant de la guitare ou du piano, mon instrument c’était mon crayon !

Qu’est-ce qui vous a donné envie de monter sur scène ?

J’ai pris la voie du dessin, mais au fond de moi, j’ai toujours voulu jouer la comédie. Le Chaunu Show m’amène à assembler cet aspect de ma personnalité avec mon talent de caricaturiste. Sur scène, je me réconcilie, je recolle mes deux identités. D’un côté, il y a le dessinateur de presse professionnel, de l’autre, l’aspirant comédien. Les événements de Charlie Hebdo ont provoqué le déclic, j’ai ressenti le besoin de raconter ce qu’était la vie d’un caricaturiste, d’expliquer ce métier, de le partager. Je nourrissais depuis longtemps le désir d’être sur les planches, je m’étais donc exercé à dessiner en direct, avec un trait précis, rapide, efficace. J’étais prêt pour délivrer cette performance artistique face au public.

Comment décririez-vous le Chaunu Show ?

Ce spectacle est un voyage au cœur de l’actualité, qui évolue et se renouvelle en permanence. Je m’inscris dans la tradition des chansonniers, je délivre tous les soirs une revue de presse en direct avec mes caricatures pour décor. Je parle et je crayonne en même temps. La scène est pour moi un espace de liberté extraordinaire. J’ai une tête de garçon poli mais je joue un personnage subversif et incontrôlable qui dérape avec son stylo et peut péter un câble à tout instant !

L’interaction avec le public occupe une place essentielle dans le spectacle…

Ma matière première, c’est le public, j’ai besoin de lui. Dans un moment d’improvisation totale, je fais mon marché parmi les spectateurs. On décèle des gueules, des visages en relief, des personnalités qui ressortent dans une foule. Je les mets en scène, je les interviewe et je les intègre à l’actualité. Pour eux comme pour moi, c’est un moment jouissif ! Et ça ne loupe jamais, il se passe toujours quelque chose de surprenant qui fait marrer la salle.

Une anecdote marquante à partager avec nous ?

J’étais en plein spectacle, en train d’expliquer ce qu’est le profilage, comment on arrête quelqu’un, comment on lui demande ses papiers. Parmi les gradins, je repère un gars avec une capuche sur la tête, qui correspond à l’archétype du jeune des banlieues. Le caricaturiste joue avec les stéréotypes, alors je l’invite à monter sur scène. Je commence à lui poser des questions et là, il m’explique qu’il est de la gendarmerie nationale ! Vous voyez, on se trompe !

À la fin de chaque représentation, vous offrez vos dessins au public.

Ça participe à la beauté du show. Les spectateurs repartent avec un super souvenir, avec quelque chose qui a été fait en direct et sur mesure, qu’ils vont pouvoir garder, afficher. Les gens aiment ce qui est authentique. Lorsqu’ils voient un dessin se créer sous leurs yeux, instantanément il y un charme qui opère. D’ailleurs les jeunes générations adorent la dimension “tuto” d’une performance, les making-of. C’est rassurant quant à l’avenir du spectacle vivant, c’est un bon pied de nez à l’intelligence artificielle.

À la Maison Racine, à Avignon, du 29 juin au 21 juillet

Par Marie-Lys de Cerval