LES TÉMÉRAIRES

Zola et Méliès au coeur de l’Affaire Dreyfus

© Grégoire Matzneff

L’une des pièces les plus attendues de la rentrée vient de démarrer à la Comédie Bastille ! 7 comédiens y interprètent 30 personnages pour donner vie avec fraîcheur et humour à l’un des plus grands scandales judiciaires et politiques de l’histoire : l’affaire Dreyfus. Une comédie historique qui nous replonge d’une manière ludique et originale dans la France divisée de 1894.

« L’HISTOIRE EST EN MARCHE, RIEN NE L’ARRÊTERA PLUS »

Entre rire et haine

Il est des évènements dont on ne se lasse pas d’entendre parler tant ils ont passionné et marqué une époque Surtout quand ils sont abordés sur un ton différent et sous un angle permettant de nouvelles mises en lumière. C’est précisément ce que proposent Julien Delpech et Alexandre Foulon avec cette création tonique, rythmée et surprenante autour de l’histoire de ce capitaine, déclaré coupable d’espionnage après un semblant de procès.
On y découvre un Émile Zola animé par une soif de vérité, de justice, bien décidé à enquêter et à faire la lumière sur le cas Dreyfus, et ce malgré les réticences de son éditeur qui craint que le romancier se change en ennemi public numéro 1. Une affaire historique, abordée ici sur le ton inhabituel de la comédie. Et si cela fonctionne à merveille, c’est parce que les auteurs ont su doser et subtilement teinter d’humour l’ensemble. De quoi imprégner la pièce d’une certaine fraîcheur et d’un soupçon de légèreté, sans pour autant rien perdre du sérieux et de la force de son propos.

« UN JOUR, LA FRANCE ME REMERCIERA DE L’AVOIR AIDÉE À SAUVER SON HONNEUR »

Émile Zola

Deux hommes dans une même quête de vérité

Parallèlement à l’histoire que l’on connaît de ce Zola justicier qui ne fera que monter en puissance jusqu’à son célèbre cri « J’accuse !« , paru dans le journal L’Aurore, s’en déroule une autre que l’on connaît moins. Celle de George Méliès, réalisateur, fermement décidé à dénoncer ce mensonge d’État depuis son studio de cinéma à travers le premier film de 10 minutes au monde, qui mettra en scène la réalité. Deux téméraires aux projets un peu fous pour l’époque. Mais, soutenus par la force de caractère et le courage des femmes qui les entourent, rien ne les arrêtera. NI l’antisémitisme, ni les rumeurs, et certainement pas la peur de la censure, de la faillite ou de la prison. La vérité coûte que coûte.

« SI AUJOURD’HUI L’ENGAGEMENT DE ZOLA NOUS PARAÎT NATUREL, RIEN DANS SA VIE D’ALORS NE SEMBLAIT DEVOIR LE POUSSER À S’ENGAGER DANS CE COMBAT OÙ IL PERDRAIT TOUT – FORS L’HONNEUR »

Julien Delpech et Alexandre Foulon

Comme au cinéma !

Et c’est ainsi que, au fil de la pièce et à mesure que l’histoire de Zola s’écrit, le film de Méliès se tourne avec les moyens artisanaux de l’époque. Ce qui donne lieu à des tableaux plein de drôlerie qui exploitent intelligemment la scénographie d’architecture et d’acier, au décor modulable, d’Antoine Milan. Un bureau polymorphe se change ainsi en espace de travail pour Zola, en quai de gare, en comptoir de café, en salle de cinéma, ou encore en piano… Les notes jouées par les deux femmes de Zola viennent ainsi accompagner les séquences muettes du film de Méliès, tissant ainsi un lien entre les destinées des deux hommes.

Cette mise en parallèle donne évidemment une dimension cinématographique à la pièce qui vient habilement prolonger la mise en scène rythmée et joyeuse de Charlotte Matzneff qui ouvre l’espace aussi bien que le temps. Les jeux de lumières de Moïse Hill, la musique de Medhi Bourayou ou encore les costumes de Corinne Rossi, loin d’être anecdotiques, complètent parfaitement l’ensemble.

Une distribution réjouissante !

Quant aux 7 excellents comédiens qui interprètent la trentaine de personnages, ils virevoltent de l’un à l’autre de manière fluide, surprenant, parfois très drôle ! Arnaud Allain, Armance Galpin, Stéphane Dauch, Romain Lagarde, Barbara Lamballais, Sandrine Seubille et Thibault Sommain nous embarquent ainsi avec force et talent dans un formidable et passionnant voyage historique à la résonnance pour le moins actuelle. Une histoire que l’on redécouvre avec beaucoup de plaisir, d’intérêt, et des éclats de rire qui n’ont pas de prix.

Par Mélina Hoffmann

À la Comédie Bastille

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