LOS GUARDIOLA
Interview de Giorgia Marchiori
La danseuse-mime nous parle des changements apportés à l’oeuvre qu’elle et son partenaire, Marcelo Guardiola, présentent depuis quelques saisons sur les scènes parisiennes et internationales. Les deux artistes maîtrisent la science de tout exprimer sans dire un mot.
Vous incarnez avec Marcelo Guardiola le duo Los Guardiola, danseurs de tango et mimes. Comment en êtes-vous arrivés à vous spécialiser dans cet art ?
Avec Marcelo, nous avons deux parcours artistiques assez différents. Lui vient du théâtre, il est comédien, mime et metteur en scène (en plus d’être musicien) et moi je viens de la danse… et de la philosophie. Nous avons en commun l’école de mime, où nous étions camarades. Personnellement, en venant de l’univers conceptuel et riche de la philosophie, j’ai toujours été fascinée par la possibilité de communiquer sans mots, que ça soit par la musique, le cinéma muet, la danse, les arts plastiques ou le cirque. A l’université, j’ai fait un parcours à l’envers : j’ai commencé par la pensée complexe contemporaine pour terminer mes études en philosophie grecque, en étant éblouie par la simplicité et la clarté des questions, que tout le monde arrive à comprendre. La transparence du langage est ce qui m’a toujours fascinée dans l‘art du mime. Mais pour arriver à tout communiquer avec le corps, le chemin est long : comme dans la sculpture, il faut enlever tout le surplus de matière… Ce qui semble simple est ce qui est le plus difficile ! Et après des années passées à sculpter, on a trouvé notre forme de communication, notre art, où la danse, le mime et le cirque dialoguent et fusionnent. Et ça, c’est Los Guardiola.
Vous présentez une nouvelle version du spectacle Los Guardiola en 2025. Quels sont les changements apportés ?
D’abord, la différence la plus évidente est visuelle, puisqu’il s’agit de la scénographie du vidéaste italien Gabriele Smiriglia, collaborateur de la Comédie Française. Nous avions déjà travaillé avec lui dans d’autres spectacles et nous avions toujours admiré son travail. Et le moment est arrivé ! Avec la nouvelle scénographie, évidement les choses bougent…et donc voilà aussi une nouvelle mise en scène par Marcelo, encore plus poétique je trouve. Et évidement il y a aussi de nouveaux tableaux. En ouverture, par exemple, un petit hommage à Chaplin et au monde éphémère des artistes de rue. Après, on a aussi travaillé sur des nouvelles formes de danse et donc de langage, en plus de la danse classique et du tango, qui nous accompagnent toujours : le popping par exemple. Cette danse urbaine peut apporter beaucoup sur la scène de nos jours.
En plus de vos rôles de mime-danseurs, Marcelo est à la mise en scène et vous êtes à la chorégraphie. Quel est votre processus créatif ? Comment se passe la collaboration ?
C’est un va-et-vient entre les deux. Parfois l’idée brute vient de lui ou de moi, puis c’est l’autre qui continue et qui apporte un chemin original… C’est très riche d’avoir un même langage mais d’être deux personnes différentes, avec des points de
vue distincts, car l’un complète l’autre.
Sur scène, vous mélangez les langages du corps pour raconter une histoire. Les mots sont-ils vraiment superflus ?
Oui, si le spectacle est réussi, il n’y a rien que les mots puissent ajouter. Souvent, les mots nous enferment. Le geste est limpide, clair, et laisse néanmoins le spectateur libre dans son interprétation. On n’a pas besoin de mots, le corps ne ment pas.
Le spectacle se découpe en 7 tableaux. Avez-vous une préférence pour certains ?
Chaque tableau de cette Fantaisie en 7 rêves et demi a son propre caractère, qui est très spécifique vis-à-vis des autres. On les aime tous. Malgré tout, personnellement, j’aime beaucoup la partie finale du spectacle, lunaire et onirique… et avec la tête en bas ! Le monde au revers n’est-il pas meilleur quand on change le point de vue ?
Vous avez eu l’occasion de tourner devant des publics de tous horizons. Voyez-vous une différence dans la manière dont le spectacle est accueilli ?
Ce qui varie le plus selon les pays est l’humour ! On rit pour des choses différentes, ce qui est très intéressant à découvrir pour nous. Par exemple, il y a des pays où l’humour très cruel, voire violent, fonctionne très bien. Et d’autres où le public est assez sensible, où il rit d’un humour délicat et tendre. C’est très intéressant de voir un tel éventail de nuances. Même si, au final, le plus important est que les artistes s’amusent en jouant, tout en créant : c’est ce qui fait que ça plaît à tout le monde !
A partir du 25 janvier, au Théâtre des Gémeaux