Mélody Mourey, le rire et la mise en scène
Monter une comédie d’aventure pleine d’humour sur un épisode fascinant bien que méconnu de la Seconde Guerre mondiale, voilà le défi joliment relevé par Melody Mourey avec Les Crapauds Fous aux Béliers Parisiens. Un spectacle fort, très cinématographique, haut en couleurs et en émotions, qui vous redonnera foi en l’humanité.
Par Lola Boudreaux
Pouvez-vous nous en dire plus sur Les Crapauds Fous ? Pourquoi avoir voulu adapter au théâtre ce fait divers historique ?
Les crapauds Fous est une comédie d’aventure qui raconte l’histoire vraie et exceptionnelle de deux médecins polonais qui, durant la seconde Guerre mondiale, ont organisé une immense supercherie pour empêcher les déportations des Juifs menacés dans leur village. J’ai découvert ce fait historique incroyable et méconnu par hasard, en réalisant des recherches pour un article. L’histoire traite un sujet qui me semble intemporel : la façon dont certains réussissent à résister, à dire « non » à une autorité qui exige la soumission, pour défendre ce qui leur semble juste et humain. Que ce soit les comédiens, le compositeur, le scénographe, le chorégraphe ou les lumières, je me suis entourée d’une superbe équipe.
Comment avez-vous travaillé les dialogues et comment vous êtes-vous inspirée de l’époque ?
Il y a plus de 20 personnages qui se croisent dans la pièce, à des époques différentes. J’ai commencé par imaginer la galerie d’individus qui allait habiter le village polonais des années 1940 et le New-York des années 1990 dans lequel échangent le narrateur et la jeune étudiante en psychologie. Une fois mes personnages créés, les dialogues se sont imposés tous seuls.
Vous réussissez à nous faire rire sur un sujet en réalité très dur. Avez-vous trouvé cela difficile ? Pensez-vous que l’on puisse rire de tout ?
C’est l’inverse qui m’aurait semblé difficile, je n’aurais pas su traiter un sujet aussi lourd sans le recul de la comédie. Je pense qu’on peut rire de tout dans la mesure où c’est le traitement d’un sujet qui fait rire ou non, jamais le sujet lui-même.
Quelle genre de metteuse en scène êtes- vous ? Très directive ou laissez-vous beaucoup de liberté aux comédiens ?
Les deux… J’avais une grande partie de la mise en scène en tête dès l’écriture et nous avons fait de nombreuses lectures pendant lesquelles nous avons discuté des personnages, des enjeux… etc. Mais ensuite, chaque comédien a fait ses propositions, a exprimé sa singularité et a amené son personnage dans une direction personnelle. Par exemple, je n’imaginais pas que le personnage de Stanislaw serait aussi excentrique avant d’avoir vu Gaël Cottat se jeter au sol de mille façons différentes pour nous faire rire pendant les pauses…
“ Dès notre première répétition j’ai su qu’on allait vivre une aventure incroyable : on a tous éprouvé une sorte de coup de foudre collectif. ”
On sent votre troupe particulièrement complice et heureuse d’être sur scène. Quel est le secret pour arriver à une telle cohésion entre les acteurs ?
Dès notre première répétition j’ai su qu’on allait vivre une aventure incroyable : on a tous éprouvé une sorte de coup de foudre collectif. Le point commun de tous les acteurs, au-delà de leur talent, c’est qu’ils sont passionnés et enthousiastes. Ils ont tous accepté de se lancer dans l’aventure sans savoir si nous trouverions un théâtre et un producteur. Je n’avais aucun contact ou financement… S’ils ont dit oui c’est simplement parce que l’histoire de ces deux jeunes résistants les a touchés, puis nous sommes tous devenus amis. Ce sont cette amitié et cet engouement qui s’imposent sur le plateau chaque soir.
Il est très rare de rencontrer des femmes metteur en scène… Pensez-vous que cela soit plus dur pour les femmes au théâtre ? Les choses sont-elles en train de changer ?
Il s’agit de ma première mise en scène et il serait vraiment malhonnête de dire que cela a été difficile. Mais si je n’ai pas été confrontée au sexisme personnellement, il est indéniable que les femmes restent bien moins visibles et reconnues que les hommes. Pour la mise en scène bien sûr mais pas seulement : leurs textes sont beaucoup moins joués, elles dirigent moins de théâtres publics… Les choses évoluent et ces injustices tendent à disparaître, comme le prouve, je crois, le succès grandissant de nombreuses jeunes auteures ou metteuses en scène dont j’adore le travail comme Aida Asgharzadeh ou Johanna Boyer…
Spectacle à retrouver cet été au Théâtre des Béliers Parisiens.