Rocío Molina au théâtre Chaillot

Rocío Molina est l’une des danseuses de flamenco les plus douées de sa génération. A 34 ans, alors qu’elle attend son premier enfant, elle présente au théâtre Chaillot Grito Pelao (« Cri déchirant »), un spectacle qu’elle fait évoluer avec sa grossesse.

Pouvez-vous nous parler de votre relation avec le théâtre Chaillot, dont vous êtes l’une des artistes associées ?

Chaillot, c’est comme une maison. C’est un théâtre qui me donne toute l’affection, la confiance et la sécurité dont j’ai besoin pour me lancer dans la création. Ce n’est pas facile d’accompagner une artiste comme moi, lors de ses quêtes et de ses égarements… J’aime cet espace, le public et surtout l’équipe. C’est un lieu où je me sens libre.

Vous faites régulièrement des improvisations. Que vous apporte cet exercice singulier ?

Ce qui m’attire, c’est d’exposer ma fragilité. J’aime montrer au public la part infaillible d’un artiste, mais aussi des choses plus intimes, les doutes, les blocages… L’improvisation me permet aussi de retrouver une part de moi plus enfantine, cela me fait me souvenir que l’art est, ou devrait être, un jeu.

Si vous deviez donner une définition du flamenco en 2018, que diriez-vous ?

Le flamenco se cherche, il est en pleine évolution. Il se perd et se retrouve à la fois. Je crois que le plus important est qu’il ne stagne pas et qu’il se passe quelque chose.

Vos deux derniers spectacles parlent beaucoup de la condition féminine…

Dans chaque spectacle, je parle de ce que je suis. Et le potentiel d’une femme est infini : elle peut être le reflet d’une grande fragilité, d’une grande beauté, d’une grande fierté, d’une grande force… J’aime montrer toutes ces facettes tout en cherchant d’autres aspects que je ne connaissais pas, plus ou moins beaux d’ailleurs, mais toujours authentiques.

Vous avez choisi d’intégrer votre grossesse à votre travail…

Pour moi, cela a toujours été clair depuis le début. Je ne pouvais pas arrêter d’être mère pour danser ou arrêter de danser pour pouvoir être mère. Cela aurait été la pire des punitions et une très mauvais expérience. J’ai donc décidé d’aller de l’avant en écoutant attentivement mon corps, en façonnant ma manière de bouger…Vraiment, je vis mieux ma grossesse en dansant. Quand j’arrête, les symptômes réapparaissent, et pour cela je remercie la danse !

En octobre, vous serez à votre septième mois. allez-vous changer des choses pour être en adéquation avec votre corps ?

Bien sûr, et c’est quelque chose qui m’enthousiasme vraiment. Le spectacle est en perpétuelle transformation et est plus vivant que jamais !

Vous dansez avec la chanteuse silvia perez Cruz, et aussi avec votre mère. Pouvez-vous nous parler de votre relation avec ces deux femmes ?

Partager la scène avec deux femmes si puissantes est un cadeau irremplaçable. Silvia m’a beaucoup appris. Grâce à elle, je vis plus que jamais dans le présent et je suis allée sur des terrains inconnus pour me redécouvrir d’une autre manière. Et que dire du plaisir que j’éprouve lorsqu’elle chante pour mon enfant ! L’expérience avec ma mère sur scène a été la plus forte que j’ai jamais vécue. Je crois que c’est le plus beau cadeau que nous pouvions nous faire mutuellement. C’est comme si nous étions rencontrées de nouveau, que nous avions réappris à nous connaître, que nous avions fait renaître notre relation.

Grito pelao continuera-t-il après votre accouchement ?

Je voudrais maintenir l’idée romantique que le spectacle mourra quand apparaîtra la vie, c’est une folie mais d’une certaine manière, c’est naturel. après la grossesse et l’accouchement, tout changera à nouveau… Je sais juste que j’aimerais continuer à découvrir et à danser.

Au Théâtre Chaillot, du 9 au 11 octobre.