VOUS N’AUREZ PAS LA BRETAGNE !

Alain Péron fait résonner le passé au présent !

 © Fabienne Rappeneau

Après la pièce « J’ai sauvé la France ! L’incroyable destin de Charles VII », Alain Péron, auteur et metteur en scène, s’empare avec « Vous n’aurez pas la Bretagne » de l’affrontement entre deux femmes d’exception, Anne de Bretagne et Anne de France. Une pièce historique mais intemporelle sur la solitude du pouvoir, la place des femmes et le destin.

Vos pièces respectent scrupuleusement le contexte historique, elles restent néanmoins accessibles et contemporaines. Quelle est votre stratégie pour parvenir à cet équilibre? 

Mes deux pièces ont été relues par des historiens pour ne pas laisser passer d’erreurs et je vous confirme que les faits rapportés ont réellement existé. Si leur cadre est rigoureusement historique, le propos de mes pièces n’est pas de donner un cours, mais de raconter une belle histoire qui permet à tous de découvrir ou redécouvrir une période méconnue en révélant ce qu’elle a de moderne et fondateur pour notre époque. Les personnages et les situations qu’ils vivent nous concernent directement parce qu’ils nous font partager des émotions universelles. C’est avant tout cela qui me passionne : redonner vie à de grandes figures de notre histoire collective pour mieux les comprendre et constater combien leurs désirs, leurs craintes ou leurs espoirs résonnent avec les nôtres. Shakespeare a écrit « le passé est un prologue ». J’aime beaucoup cette idée que ce qui nous a précédé contient des ressources précieuses pour comprendre et mieux vivre ce qui va advenir. 

En redonnant vie à ces destins de femmes légendaires qui imposent leur volonté dans un monde d’hommes, tentez-vous de rétablir pour le plus grand nombre, notamment les plus jeunes, une fausse idée du passé ?

Le Moyen Âge a duré plus de mille ans. C’est une période fondatrice pour l’Europe et aussi la source d’un imaginaire fécond : les codes de la féodalité sont ceux que l’on retrouve dans Game Of Thrones (inspiré des Rois Maudits), le Seigneur des Anneaux ou encore Kaamelott. Cette période fascine toutes les générations et elle n’occupe cependant qu’une toute petite place dans les programmes scolaires (en classe de cinquième). C’est peut-être pourquoi on la connaît mal et on la fantasme beaucoup.

« VOUS N’AUREZ PAS LA BRETAGNE S’INTÉRESSE NOTAMMENT À LA PLACE DES FEMMES DANS UNE SOCIÉTÉ QUI ÉTAIT EXCLUSIVEMENT DIRIGÉE PAR DES HOMMES. » 

Vous n’aurez pas la Bretagne s’intéresse notamment à la place des femmes dans une société qui était exclusivement dirigée par des hommes. Malgré de nombreuses et lourdes contraintes Anne de France et Anne de Bretagne ont réussi à faire valoir leur cause et peser sur le cours des événements. Ce sont deux personnalités hors du commun mais mal connues que le public prend un grand plaisir à découvrir.

Quelles sont les raisons pour lesquelles les protagonistes de cette pièce qui ont des destins de ratés magnifiques vous fascinent-ils et vous inspirent-ils autant ?

Anne de France est duchesse et fille du Roi, son frère sera le roi Charles VIII, Louis est d’abord Duc d’Orléans avant de devenir le roi Louis XII et Anne de Bretagne est duchesse et puis deux fois Reine de France.

Ce sont des jeunes gens bien nés, au sommet de la pyramide sociale et destinés au meilleur de l’existence, mais rien ne s’est passé comme prévu. Ils ont été à la fois les principaux acteurs mais peut-être aussi les premières victimes du contexte politique. Dans la pièce ils vont de l’âge des espoirs à celui des bilans avec des réussites mais aussi des frustrations et des regrets. C’est passionnant de les voir évoluer. Faire résonner le passé au présent est votre dessein. 

Quelles réflexions souhaitez-vous transmettre aux spectateurs à travers ces destins tourmentés ?

La confrontation de nos désirs avec le destin ne cesse de m’interroger. Il y a ce que nous décidons et puis ce que nous ne pouvons qu’accepter, c’est la fameuse question de la liberté et du déterminisme. Si l’on ne veut pas finir sa vie avec trop de regrets, je crois que c’est une méthode intéressante de se poser régulièrement la question des Évangiles : « qu’as-tu fait de ton talent ? ».

En quelques mots, vos meilleurs arguments pour convaincre un jeune de réserver sa place ! 

L’histoire est incroyable et vraie. Elle est interprétée par quatre jeunes comédiens hyper talentueux : Mathilde Wislez, Ondine Savignac, Aurélien Boyer et Thomas Maurin. La scénographie créée par Valérie Delva est magnifique de poésie. Je lui promets qu’il ne s’ennuiera pas. Et puis il y a la Bretagne…

Par Sabine Komsta.

Au Théâtre de la Contrescarpe.