COUPURES
Une comédie satirique et engagée sur une démocratie qui va mal
Coupures est l’une des réjouissances de cette rentrée théâtrale ! Une comédie satirique qui s’intéresse avec intelligence à la place qu’occupent… ou plutôt que n’occupent pas les citoyens dans le débat démocratique. Un spectacle qui nous invite à réfléchir à ce rôle qui est le nôtre, à renouer avec la solidarité, et à croire en l’importance de nos actions individuelles. Pour que notre voix compte !
Spectateurs et citoyens
« Est-ce que vous avez l’impression qu’en votant, vous faites la politique de votre pays ? » Ainsi directement interpellés, on plonge sans attendre dans le vif du sujet. En pleine réunion publique d’une association locale, on s’interroge quant au choix incompréhensible du maire de la commune. Pourquoi ne s’est-il pas opposé à ce projet dont personne ne veut, pas même lui ?! En effet, comme beaucoup de familles, Frédéric, père de famille et agriculteur engagé, ne voit pas d’un bon oeil le déploiement des antennes-relais de nouvelle génération autour de chez lui. En plus de gâcher le paysage, de perturber les prévisions météo et de faire baisser la valeur des terrains sur lesquels elles sont implantées, leur impact sur la santé est encore « à l’étude » …« On est écologistes, c’est notre métier de nous battre pour des causes perdues. » Mais, en tant que maire de cette commune rurale, Frédéric est aussi confronté à d’autres enjeux. D’ailleurs, ce projet, on ne le lui propose pas, on le lui impose. C’est à un autre niveau que les décisions sont prises. Et puis il y a ces indemnisations proposées aux familles qui accepteraient les indésirables sur leurs exploitations. Des rentrées financières qui leur permettraient de mieux vivre, de survivre même pour certaines, comme celle de Frédéric justement, qui croûle sous les dettes…
De jolies trouvailles
Valérie Moinet, June Assal, Michel Derville ou Brontis Jodorowsky, Paul-Eloi Forget ou Brice Borg, Samuel Valensi ou Emmanuel Rehbinder, Lison Favard ou Emelyne Chirol, (soit : les 7 comédiens, dans une distribution en alternance) nous embarquent avec talent et énergie dans un véritable tourbillon, passant d’un personnage à un autre avec une fluidité et une précision admirables. Quelques moments désopilants s’entremêlent à de touchants monologues et à quelques confrontations captivantes, tandis que le violon accompagne le mouvement, le déroulement du temps, ou encore les émotions. Si bien que l’on ne voit pas filer ces 90 minutes. Il faut dire aussi que l’ensemble est très habilement construit. À l’écriture comme à la mise en scène, Paul-Eloi Forget et Samuel Valensi signent une création intelligente, dynamique et redoutablement efficace, ponctuée de savoureuses touches d’un humour souvent féroce. À travers des tableaux variés qui s’enchaînent avec beaucoup de rythme, et sans jamais nous faire la morale, ils confrontent les enjeux et valeurs de réalités « parallèles » qui ont du mal à se rencontrer : l’État et les citoyens. « Si ni le maire ni le conseil municipal ne décident de ce qui se passent dans la commune, alors qui décide ? » Car entre les aspirations idéalistes de Frédéric et la réalité économique, entre ses besoins individuels et l’intérêt général, la décision qu’il a à prendre n’est pas aussi simple qu’elle en a l’air. Et si son vote n’a pas le pouvoir d’empêcher le projet, sa voix pourrait bien bouleverser les choses d’une autre manière.
De petites coupures à dépenser
En même temps que son billet, chaque spectateur se voit remettre une « petite coupure ». Cette monnaie locale, spécialement créée pour la pièce, permet de bénéficier de réductions ou d’invendus dans des commerces partenaires indépendants et engagés tels que des produits bio, locaux, en vrac… Une jolie manière de prolonger le spectacle, et d’inviter à poursuivre la réflexion jusqu’à la convertir en action. Brillant de bout en bout !
Jusqu’au 30 novembre, au Théâtre des Béliers Parisiens
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Par Mélina Hoffmann