BORDERLINE
Une comédie qui repousse les limites !
Daniel Russo et Philippe Lelièvre sont tous les deux à l’affiche de « Borderline », la nouvelle pièce de Flavia Coste, qui enchaîne les comédies à succès depuis 2017. Après « Non à l’argent ! » et « Alors on s’aime ! » cette nouvelle création nous présente l’histoire d’un fou qui tente de convaincre son psychiatre qu’il est guéri pour le quitter, tandis que ce dernier a quelques difficultés à « couper le cordon »… Et Daniel Russo lui-même en est le co-metteur en scène !
C’est la première fois que vous jouez ensemble, et la toute première avait lieu hier. Alors, quel accueil avez-vous reçu ?
Daniel Russo : On a eu une très belle salle, on est contents ! Et ce qui m’a fait plaisir, c’est que c’était très réactif, les gens s’amusent. C’est une belle aventure.
Philippe Lelièvre : C’est toujours un peu magique la première… Et c’est vrai que le public a réagi au-delà de nos espérances. On passe du rire aux larmes, aux sourires, à l’écoute. La mécanique de la pièce est efficace, et c’est très chouette à jouer. Et puis, on a beau s’apprécier avec Daniel, quand on a répété pendant un mois, au bout d’un moment, on a besoin du public. C’est comme un accouchement. On a beaucoup travaillé, on poussait, on poussait, on poussait, et hier le bébé est né, et on l’appelle Borderline. Voilà, c’est parti ! Je n’attendais que ça !
TOUS LES JOURS, ON FAIT LE BILAN DE CE QUI S’EST PASSÉ POUR SANS CESSE FAIRE MIEUX ET QUE LES GENS QUI VIENNENT AIENT LE TOP DU TOP – DANIEL RUSSO
Daniel, vous interprétez le psychiatre, et Philippe, celui de Pavel, le malade. Pouvez-vous nous présenter un peu ces deux personnages ?
Daniel : En fait, en y pensant je me dis que ce sont les mêmes. Ils ont chacun leurs problèmes : le psy en a tout autant si on remarque bien, mais personne ne le soigne. La différence est là.
Philippe : Les problèmes du psy, conjugaux notamment, sont un peu mis en avant oui. Pavel, lui, c’est plus global, c’est dans tous les compartiments du jeu qu’il ne va pas bien. C’est un malade.
Daniel : Ça part de l’enfance, des parents, c’est un traumatisme. Il a du mal à s’en remettre. Moi, mon personnage a des problèmes avec son épouse, il s’énerve parce qu’elle lui téléphone sans arrêt, ça le gêne dans son travail, mais il ne lâche pas ses malades. Jamais. Ils passent en priorité, et sa femme, ça la rend folle qu’ils prennent une telle importance. Surtout Pavel, ce n’est pas son malade préféré mais celui qui…
Philippe : …Celui avec lequel il va s’acheter sa maison de campagne ! (rires)
LES GENS S’AMUSENT, C’EST UNE BELLE AVENTURE – DANIEL RUSSO
Comment se prépare-t-on pour interpréter des personnages comme ceux-là ?
Philippe : L’avantage du théâtre c’est qu’on travaille longtemps, donc on a le temps d’hésiter, de se tromper, de chercher… Quand on interprète un personnage, on commence à l’habiter et on ne le quitte pas. Moi Pavel, j’y pense beaucoup, beaucoup, beaucoup. Et on ne peut que s’améliorer dans le spectacle vivant. C’est pour ça que j’adore le théâtre.
Daniel : Tu revois un téléfilm que tu as joué il y a dix ans et tu te dis « mais, pourquoi j’ai joué comme ça ? ». Au théâtre, quand un effet ne marche pas, tu y penses et tu le changes. C’est le troisième partenaire, le public, qui va vous donner le rythme définitif, la partition finale. Et c’est là où il faut faire très attention, parce qu’on n’a jamais le même public. On joue avec lui. C’est vivant, on ne peut pas ignorer les réactions des gens. Que ce soit Jacques Fabbri, Michel Roux, Jean Le Poulain, ou Michel Serrault, ils me disaient toujours : « Être à l’écoute du public. C’est lui qui décide. Et si jamais il y a un rire qui est un peu plus long, on attend et on attaque dans la vague du rire, pas dans le rire ! ».
Daniel, vous signez aussi la mise en scène de la pièce, mais pas seul. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?
Daniel : Je suis assisté par ma fille, Amanda. On a déjà beaucoup travaillé ensemble, elle était assistante de Laurent Baffie quand je jouais dans ses pièces. Elle a une bonne lecture, elle sent bien les choses, le potentiel d’une pièce. Souvent je lui fais lire les pièces. Et ça se passe très bien, non ? Qu’est-ce que t’en penses ?
Philippe : Oui, très bien !
En quoi cette pièce est-elle différente de celles que vous avez pu jouer jusqu’à présent ?
Daniel : Déjà c’est un duo, ce n’est pas une troupe. C’est donc une répartie absolument formidable. On est sur un rythme : tous les jours, on fait le bilan de ce qui s’est passé pour sans cesse faire mieux et que les gens qui viennent aient toujours le top du top.
Philippe : Dans une pièce de théâtre il y a l’écriture, et puis il y a les personnages. Et parfois on peut aimer un rôle, et peut-être un tout petit peu moins la pièce. Là, je trouve que la pièce est très bien écrite et que les rôles sont merveilleux. Il y a une évolution dramatique à travers ces personnages. Celui de Pavel est une partition merveilleuse. Il y a tellement de notes qu’au début ça fait peur. De fait, c’est un borderline donc, dans une phrase, il y a 15 émotions, ou 15 intentions.
Daniel : Il n’a pas de suite dans les idées. On joue avec les silences, avec les pauses, parce que la réflexion ne vient pas rapidement chez ce personnage-là. Moi, en tant que psy, je seconde tout ça dans l’écoute, en le relançant aussi. C’est jouissif à jouer ! La grande qualité de la pièce, c’est qu’une fois qu’elle a démarré ça ne fait que monter, monter… Et ça va très très haut. Quand je l’ai lue, je me suis dit « attends, on ne va pas aller jusque-là quand même ? » Eh bien si ! C’est ce qui m’a plu. Mais on ne vous en dira pas plus !
LA PIÈCE EST TRÈS BIEN ÉCRITE ET LES RÔLES SONT MERVEILLEUX – PHILIPPE LELIÈVRE
Une des spécificités de ce psy c’est d’aimer les proverbes. Est-ce que vous avez un proverbe fétiche, une sorte de mantra ?
Daniel : Moi, je n’en ai qu’un que mon père sicilien m’avait donné : « Quand un ami te trompe, c’est de sa faute. S’il te trompe une deuxième fois, c’est de la tienne. » Ça m’est resté. Il a tellement raison ! Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas pardonner, mais il faut faire attention.
Philippe : « Pour vivre vieux vivez longtemps ! ». C’est ce que disait mon arrière-grand-mère !
Vous avez l’air de prendre un plaisir fou à jouer cette pièce en tout cas ! Est-ce qu’il y a quelque chose d’autre que vous auriez envie de partager ?
Daniel : On se partage déjà un gros plaisir là !
Philippe : On se partage du plaisir, on partage la loge… Il n’y a qu’une chose qu’il ne partage pas : c’est son chocolat !
Daniel : Il a vu que j’aimais le chocolat et il m’en a offert 30 tablettes ! Mais il est fou !
Actuellement au Théâtre de Passy
Par Mélina Hoffmann