INTERVIEW EMMANUEL NOBLET
Jean-Loup Dabadie Forever
Dabadie ou les choses de nos vies dans lequel vous êtes metteur en scène et comédien, est né d’une idée originale de la chanteuse Clarika que l’on retrouve également à l’affiche avec Maissiat. Quelle a été votre réaction quand l’artiste vous en a parlé pour la première fois ?
Emmanuel Noblet : Un enthousiasme immédiat ! Je me suis tout de suite dit en apprenant la mort de Jean-Loup Dabadie qu’il y aurait tellement de spectacles à monter autour de l’œuvre de ce grand auteur, généreux, sensible, et d’une finesse rare… J’ai eu la chance que Clarika et Maissiat pensent à moi pour s’emparer de ce thème. Les Choses de la vie de Claude Sautet est mon film fétiche, au même titre que le cinéaste, mais je n’avais pas réalisé à quel point Dabadie avait été le parolier de chefs-d’œuvre de chansons populaires. Je n’avais pas fait le lien avec Julien Clerc, Michel Polnareff, Serge Reggiani, Régine,
Patrick Juvet…
Les textes et paroles de Jean-Loup Dabadie sont intemporels, ce qui rend le spectacle accessible à tous les publics…
Oui bien sûr ! On voit dans le public des spectateurs qui viennent retrouver les films et les chansons qu’ils ont aimés, et cela nous a fait très plaisir que de jeunes spectateurs assistent au spectacle. Et cela leur a donné par la suite envie de visionner les films qu’ils ont trouvés très beaux ! Dans le montage des films et des chansons, il n’y a pas une phrase ou un mot qui n’est pas de Dabadie. C’est une plume élégante qui crée beaucoup d’émotions, de grands sentiments et simple d’accès, dans laquelle les jeunes peuvent aussi se retrouver.
Comment définir Dabadie ou les choses de nos vies aux jeunes qui ne connaissent pas l’écrivain, dialoguiste et parolier disparu le 24 mai 2020 ?
Le film Les Choses de la vie raconte l’histoire d’un homme qui revoit sa vie défiler avant de mourir. Nous avons repris ce fil narratif en une œuvre d’1h20 composée de grandes scènes de films et de grandes chansons populaires, que l’on a brassées, mélangées, jouées, chantées, et mises en musique avec un accompagnement de Mathieu Geghre (piano-claviers et arrangements). Je dirais que l’adjectif qui a toujours convenu le mieux à Dabadie pour le définir est : mélancomique.
« JE RENDS UN HOMMAGE AU CINÉMA AVEC LES OUTILS DU THÉÂTRE POUR QUE LES SPECTATEURS SE FASSENT LEUR PROPRE FILM ».
EMMANUEL NOBLET
Jean-Loup Dabadie disait : « C’est important d’être humainement proche des gens pour lesquels vous écrivez ». Faites-vous aussi vôtre cette citation dans votre approche de metteur en scène ?
Absolument ! À la base, Clarika et Maissiat sont des chanteuses. Elles deviennent des comédiennes en faisant confiance à ma mise en scène, à leurs qualités personnelles et à un grand texte. Je crois qu’il n’existe pas de mauvais comédiens.nes, mais de mauvaises directions d’acteurs.trices. Personne dans ce spectacle ne pense à jouer du Romy Schneider, ou moi du Michel Piccoli ou du Jean Rochefort par exemple, nous aurions été pétrifiés ! Il suffit d’être au plus près de sa sensibilité, le plus juste possible et nous avons une chance d’émouvoir le public sans faire de comparaisons.
Vous utilisez sur scène une toile de cinéma. Quelle a été votre approche artistique ?
La scène prend parfois des allures de plateau de tournage avec les projecteurs apparents. Je rends un hommage au cinéma avec les outils du théâtre pour que les spectateurs se fassent leur propre film. Je
joue avec les ombres et les lumières, nous passons derrière la toile et nous évoquons les grands.es artistes qui ne sont plus là, on convoque leur mémoire en parlant d’eux.lles, puisque comme vous l’avez dit, Dabadie écrivait pour ses interprètes. C’est pourquoi on retrouve la première chanson que le parolier débutant a écrite, elle l’a été pour Reggiani avec Le petit garçon.
Cela a été difficile de faire votre sélection ?
Cela a été très difficile ! Nous proposons 13 chansons et 15 films, parfois ce ne sont que de courts extraits, mais il y a quand même des titres incontournables, de grandes scènes de films qui parlent aux spectateurs qui souhaiteraient retrouver la lettre de Rosalie ou les répliques d’ Un éléphant ça trompe énormément. J’ai réussi à regrouper 13 extraits de films en écrivant le tableau dit du bistrot qui en fait –à la surprise de beaucoup– ne figure dans aucun film ! (Rires)
Jean-Loup Dabadie était académicien. Vous le placeriez où dans la hiérarchie des « immortels » ?
Je n’aime pas les hit-parades, donc je ne dirais pas qu’il est au-dessus des uns ou en-dessous des autres. Au delà du titre d’académicien, Jean-Loup Dabadie a traité dans les années 70 des sujets qui sont modernes et actuels, comme l’égalité des sexes. On a dit que Claude Sautet faisait des films de mecs, mais quand Romy Schneider demande à Dabadie en 1978 d’écrire une histoire de femmes qui donnera Une histoire simple, il met en avant une femme forte, libre, qui prend son indépendance, alors que les hommes doutent, ils sont déclassés et n’assument pas leurs relations avec leurs femmes ou leurs maîtresses.
Par Marc Bélouis.
AU THÉÂTRE DE L’ATELIER
Du 6 au 31 décembre.