MUSIC HALL COLETTE

Une femme aux multiples facettes

© Julien Piffaut

La célèbre écrivaine Colette est mise à l’honneur dans ce spectacle music-hall. Personnage complexe, fascinant, sa quête de liberté résonne encore aujourd’hui. Pour Cléo Sénia, interprète, et Léna Bréban, metteuse en scène, elle est une icône et une source d’inspiration inépuisable.

Colette est une femme aux multiples facettes, chacun de nos lecteurs en a probablement sa propre perception… Pouvez-vous me dire qui est Colette pour vous ?

Léna Bréban : Colette mène de front la littérature, les mots, ce qui demande une grande concentration ; et le corps, la sensualité. Elle est très intéressée par la nature, par ce qui remet tous les sens en question. Cette autrice a tout ce qui me fascine, tout ce qui provoque de l’admiration chez moi : elle est vivante à l’extrême.

Cléo Sénia : Je suis tout à fait d’accord. Ce que j’aime chez elle, c’est la liberté coûte que coûte. Colette est anti-consensuelle, rien ne l’enfreint. C’est très fort, ça dépasse les époques, ça résonne encore aujourd’hui, car ces combats pour la liberté ne sont pas gagnés. Pour autant, elle n’est pas militante au premier degré, elle est pleine de contradictions.

À l’image du personnage titre, Music Hall Colette est une oeuvre pluridisciplinaire. À quoi est-ce que le public doit s’attendre en allant voir la pièce ?

LB : Ce que je trouve beau, excitant et agréable à regarder dans ce spectacle, c’est qu’il y a de la danse, du chant, du texte et du music-hall. Cléo manie les différents airs avec brio. On a un mélange de plaisir immédiat d’être ébloui par ce qu’on voit, que peu de gens savent faire, danse, chant et jeu tout à la fois.

CS : En effet, le style et l’approche du music-hall est très dynamique et étonnante. Étonnant, c’est le mot : car on sort des sentiers battus de Colette, de cette vieille dame du Palais-Royal, un peu engoncée dans son rôle de grand-mère de la littérature. On casse cette image pour aller vers ses choix d’émancipation, de la femme qu’elle était… On met en scène son énergie.

Pouvez-vous nous raconter un peu la genèse de l’oeuvre, comment vous est venue l’idée de mettre en avant cette figure si célèbre, mais méconnue ?

CS : En 2017, j’ai découvert la maison de Colette à Saint-Sauveur-en- Puisage et j’ai été éprise par cette visite. Je me suis documentée sur l’autrice, j’ai vu qu’elle avait une oeuvre très vaste, qu’elle avait été actrice… Je me suis reconnue en elle. J’ai parlé de ce projet à l’Espace des Arts de Chalon-sur-Saône et à Léna, qui ont été séduits. C?était en 2020, mais ça a été long car il a fallu se renseigner sur Colette, lire 4 tomes de pléiade. On voulait raconter sa vie en réécrivant librement ce qu’on avait envie de défendre chez elle. En 1h20, on ne peut pas tout dire, elle est trop multiple !

C’est vous, Cléo Sénia, qui interprétez ce seule-en-scène, dans lequel on retrouve beaucoup de votre personnalité…

LB : J’avais très envie, en rencontrant Cléo, en découvrant ses icônes, son univers, de faire le lien entre ce qu’est être une jeune artiste aujourd’hui et ce qu’était Colette. Il y a des résonances entre ces deux femmes, et moi ce qui m’intéresse, c’est de faire des portraits de femmes.

CS : Il y a un effet de miroir dans le spectacle, même au premier sens du terme, parce qu’on a ce personnage de Claudine, qui est le double de Colette. On met vraiment ça en abîme et en scène, ce miroir entre l’autrice, entre les personnages qu’elle crée, entre la vie, entre l’interprète.

Léna Bréban, vous êtes donc la metteuse en scène de ce music hall. Où avez-vous été puiser votre inspiration ?

LB : Cléo était très spécialiste de Colette, mais moi je la connaissais de loin, j’avais la vision des gens qui ont lu un ou deux livres. J’ai dû tout lire, me plonger dans son oeuvre, y dédier un moment d’étude. J’avais également très envie d’étudier Cléo. Elle est pour moi une sorte de personnage, très singulière, qui s’intéresse et est douée en beaucoup de choses.

Un petit mot sur l’importance des costumes et de la scénographie ?

LB : C’est Marie Hervé qui a fait la scénographie. On a rêvassé toutes les trois sur quoi raconter, comment, et on s’est tout de suite dit que c’était un portrait kaléidoscopique, avec des fenêtres, des miroirs…

CS : Les costumes sont de vrais partenaires dans ce spectacle. Ils servent à évoquer différents personnages, différentes périodes de la vie de Colette. On s’est inspiré de photos que j’ai pu voir, mais on a cité sans copier, en réinterprétant. L’idée de ce spectacle est de donner envie aux gens de se plonger dans l’oeuvre de Colette, de le lire, de la faire ressentir.

Quels sont vos projets pour le reste de l’année 2024 ?

LB : On jouera à partir du 26 janvier à Paris, puis en 2025, il sera en tournée, j’ai d’autres créations qui arrivent aussi…

CS : J’ai un autre spectacle sur une pionnière du music-hall qu’est Gaby Deslys, qui va voyager avec les Alliances Françaises ; toujours Les Soeurs Papilles, qui sont des conférences-spectacles sur l’histoire des maisons closes, aux Belles Poules. Et j’ai un spectacle que je commence à écrire, là, actuellement !

À partir du 26 janvier, au Théâtre Tristan Bernard

Par Léa Briant