PASSEPORT
La nouvelle création d’Alexis Michalik
Le metteur en scène aux multiples Molières présente en ce début 2024 une nouvelle pièce, drôle et engagée. Inspiré par le sort des migrants dans le plus grand bidonville d’Europe, la jungle de Calais, Alexis Michalik nous dessine le destin d’Issa, un jeune Érythréen dont on empêche le passage au Royaume-Uni. Obligé de rester à Calais, il va devoir se mettre en quête d’un titre de séjour, de son identité et d’un sentiment d’apparence.
Récit d’un voyage contrarié
Dans Passeport, on suit le parcours d’Issa, jeune migrant venu d’Érythrée avec la volonté de s’installer au Royaume-Uni. Comme des milliers avant lui, il est bloqué dans la jungle de Calais. Laissé pour mort, il survit à une attaque qui le rend amnésique. Seul indice qui lui reste de son passé : son passeport. Le succès d’Alexis Michalik passe, bien sûr, par ses talents d’auteur mais aussi par sa capacité de se réinventer. Sa première pièce, Le Porteur d’histoires, nous faisant voyager à travers le temps pour résoudre le mystère d’une disparition ; Le Cercle des illusionnistes nous transportait dans le monde fantasmagorique d’un horloger-inventeur-magicien du XIXe siècle ; Edmond romançait la création de Cyrano de Bergerac et, plus récemment, Une Histoire d’amour traitait du désir d’enfant chez les couples homosexuels et de l’éducation au sein des familles monoparentales.
Passeport est probablement sa création la plus engagée politiquement, sans être paternaliste ni moralisatrice. Elle échappe à cet écueil grâce à un humour bien pensé, et en plaçant l’humain et les relations entre les personnages au coeur de son propos. Bien plus qu’une prise de position stricte, imparable, le créateur de Passeport propose au public de se questionner : « Qui sommes-nous ? Pourquoi sommes-nous tous nés ici ? Où irons-nous ensuite ? Tout [cela] me taraude en permanence« . La France est un pays multiple qui, comme tous les autres, a connu de nombreuses vagues migratoires au cours de son Histoire : « Si l’on remonte assez loin notre généalogie, nous avons tous dû, un jour, apprendre la langue d’un pays étranger, et tenter de nous intégrer« .
Un casting stellaire
Pour jouer ces 7 personnages dans toute leur sensibilité et leur complexité, Michalik s’appuie sur un casting particulièrement talentueux : Patrick Bland (Michel), Christopher Bayemi (Lucas), Fayçal Safi (Ali), Ysmahane Yaqini (Yasmine), Jean-Louis Garçon (Issa), Kevin Razy (Arun) et Manda Touré (Jeanne). Tous ont déjà connu beaucoup de succès au cinéma, à la télévision ou au théâtre, parfois dans de précédentes créations du metteur en scène. Dans l’équipe artistique, on retrouve également quelques uns de ses précédents collaborateurs, telles que Clotilde Daniault en assistante mise-en-scène ou encore Juliette Azzopardi aux décors. La musique a, quant à elle, été composée spécialement pour l’oeuvre par l’artiste rap-hip hop Sly Johnson.
Sans hésitation
Aller voir Passeport, c’est donc se confronter à une réalité qui se déroule à quelques centaines de kilomètres à peine de la capitale. C’est voir se croiser les destins de personnages qui ne sont pas nés au même endroit, n’ont pas la même culture et ne parlent pas la même langue, mais entre lesquels se lient malgré tout des liens forts, mués par des buts communs. Un sujet qui nous touche tous, de près ou de loin.
À partir du 26 janvier, au Théâtre de la Renaissance
Par Léa Briant